Le 23 août 1865, de nombreuses personnalités politiques locales se réunissent à Vannes pour inaugurer la nouvelle préfecture du Morbihan. La cérémonie s’achève lors « d’un bal des plus brillants » et vient mettre fin à cinq années durant lesquelles le préfet est resté sans locaux.
À l’origine, un tragique accident
Le 30 décembre 1859, un des murs de la préfecture vient de s’effondrer, provoquant la mort de deux postillons. La préfecture est alors installée dans l’ancien manoir épiscopal de La Motte situé à l’emplacement de l’actuelle rue Émile Burgault. Le bâtiment, construit au 17e siècle, était devenu vétuste et faisait l’objet de nombreuses consolidations jusqu’au fatal accident. L’expertise de l’architecte dépêché par le ministre de l’Intérieur est sans appel, il faut raser l’édifice.
Un emplacement qui fait débat
Dès le 24 février 1860, le préfet réunit en session extraordinaire le conseil général pour l’informer des conclusions apportées par les techniciens et lui demande de se prononcer sur la reconstruction de la préfecture et sur la désignation de l’emplacement.
Plusieurs emplacements sont proposés : la place Napoléon (où sera implanté 20 ans plus tard l’hôtel de ville), la Rabine entre la Sentière et la maison de la charité Saint-Louis, et le faubourg Saint-Patern.
Finalement, le conseil général porte son choix, le 31 août 1860, sur la quartier Saint-Patern et inclut le projet dans un plan d’ensemble qui comprend ; la démolition du manoir de la Motte et le percement d’une nouvelle voie vers la gare, l’implantation de la nouvelle préfecture à la place de l’ancien enclos des Dominicains (affecté à la gendarmerie impériale) après démolition du monastère et de la chapelle, et création d’une nouvelle rue (plus tard baptisée Alain-Le-Grand).
La reconstruction de la préfecture est un problème qui concerne la population au plus haut point. En 1861, à l’occasion d’une pétition adressée au préfet, les Vannetais s’expriment en ces termes : « nous avons espéré que la préfecture ne sera reléguée dans un faubourg au milieu des marais loin du centre des affaires, car il est à remarquer que la cathédrale, les administrations, mairie, tribunal, collège, champ de foire et marchés, hospices, prison, caserne de gendarmerie et d’infanterie, entourent en quelque sorte les bâtiments de la préfecture actuelle. De plus, tous les quartiers voisins sont le centre du commerce de la ville (…). Nous avons trop confiance dans votre sage administration, Monsieur le Préfet, pour ne pas espérer qu’il vous plaira de faire étudier de nouveaux projets autres que ceux dont l’exécution serait à coup sûr la ruine et le malheur de la ville. »
Malgré ces inquiétudes, le projet sera officialisé par un décret impérial du 8 juillet 1861 qui déclare d’utilité publique la construction d’un nouvel hôtel de préfecture.
« L’importance d’un édifice qui est le siège d’un grand département »
Émile Amé, l’architecte départemental, dresse en 1860 les premiers plans de la nouvelle préfecture. Ils sont examinés en 1860 par le conseil général des bâtiments civils donnent lieu aux observations suivantes concernant l’architecture et la distribution intérieure : « la disposition des bâtiments empruntés à celle des grands hôtels français du 17e siècle, présente un simple aperçu de la façade un aspect de grandeur qui s’accorde bien avec l’importance d’un édifice qui est le siège d’un grand département. Trois parties distinctes, qui cependant forment un ensemble par leur réunion, doivent fixer l’attention dans cet hôtel de Préfecture ; la première dans le grand bâtiment au fond de la cour, disposées pour les réceptions et l’habitation de M. le Préfet, la seconde dans l’aile droite où sont placés les bureaux et les services publics… ; la troisième dans l’aile gauche où sont disposés la cuisine et ses dépendances, le concierge, le corps de garde et les bureaux des archives qui, outre une partie du rez-de-chaussée, comprend tout le premier étage de cette aile. » La partie de l’hôtel consacrée à l’administration « est en communication immédiate, au moyen d’un escalier, avec celle du premier étage où sont établies la salle de réunion du conseil général et les salles de réunion qui y sont adjacentes. »
L’adjudication du 4 août 1862 attribue le marché de construction à un entrepreneur de Redon, Jean-Marie Normand. Le suivi des travaux sera assuré par Léopold Hawke qui, à partir du 1er mai 1862 remplace l’auteur des plans, Émile Amé. Le début des travaux est marqué, le 2 février 1863, par une cérémonie officielle de pose de première pierre.
Les plans de la préfecture
Le bâtiment allie fonctionnalité et esthétique en étant richement décoré. Le fronton extérieur évoque ainsi d’illustres figures bretonnes telles Nominoë ou encore Alain Barbetorte tout en s’inscrivant parfaitement dans le style Louis XVIII. La préfecture est également entourée d’un parc de cinq hectares dont la géométrie dessinée par Louis-Sulpice Varé s’inspire des jardins à l’anglaise.
L’œuvre, dans son ensemble, est plus que bien reçue par les Vannetais comme semble en témoigner le journal Le Courrier de Bretagne : « Le nouveau bâtiment est un beau et riche palais, que peuvent envier bien des villes de premier ordre, et les magnifiques salons où s’est donnée la soirée du 23 août, montrent que les dispositions de l’intérieur répondent dignement aux promesses de l’extérieur. Tout est grand vaste et confortablement aménagé et disposé avec une parfaite entente de la destination ». Neuf ans plus tard, lors d’une visite officielle, le président de la République Mac Mahon aurait même déclaré que le bâtiment est « plus beau même que l’hôtel de la présidence à Versailles ».
Vers un nouvel hôtel… du département
Les décennies suivantes, l’hôtel de la préfecture connaît quelques modifications. Ainsi, en 1922, un bâtiment est construit pour y accueillir les Archives départementales. Sous l’Occupation, alors que les Allemands en font leur Feldkommandantur, certains salons sont cloisonnés sans pour autant altérer l’esthétique. Le monument obtient son inscription au titre des monuments historiques en 1975.
Le seul inconvénient de l’hôtel de la préfecture est son étroitesse qui ne permet pas d’accueillir des services de plus en plus nombreux tout en hébergeant le Conseil général. Après 20 ans de réflexion, est validée la construction d’une nouvelle préfecture quelques dizaines de mètres plus loin, rue Saint-Tropez. Alors que les travaux commencent en 1980, le chantier est rapidement bouleversé par une loi de 1982, loi sur la décentralisation. Cette loi accordant alors plus de compétences aux conseils généraux, la nécessité d’un bâtiment dédié s’impose. Le ministre de l’Intérieur décide en conséquence d’affecter les bâtiments rue Saint-Tropez au Conseil général.
Le préfet reste, quant à lui, dans l’hôtel construit 120 ans plus tôt. L'édifice va alors connaître les plus importants travaux réalisés depuis sa construction : réfection intégrale des charpentes et toitures, redistribution complète des locaux. Resté dans le patrimoine départemental, le bâtiment est mis gratuitement à la disposition de l’État aux termes d’une loi du 11 octobre 1985.
Sources consultées
- JO 22. - Le Courrier de Bretagne, 14 janvier et 26 août 1865.
- JO 238. - Ouest-France, 14 mars 1984.
- 2012 W 240. - Préfecture - Bureau du cabinet. Portes ouvertes des monuments historiques et journées du patrimoine : correspondance, photos, dépliants, notes, copies d'archives et coupures de presse.
- N 771-778. - Préfecture de Vannes, 1861-1940.
C'est un sculpteur de Saint-Nazaire, Lemerle, qui se voit confier la réalisation des frontons des façades sur cour et jardin.
"Une cartouche avec les armes de Bretagne accolées à celles de Vannes. Nominoë fut à la fois un grand capitaine, grand politique et grand roi. Alain Barbetorte [est le] digne continuateur de l’œuvre de Nominoë. Le chien et le lion symbolisent la fidélité et le courage de ces guerriers ; des filets et une coque de navire marquent leurs progrès dans le commerce maritime. La locomotive le progrès de l’industrie, un dolmen rappelle les coutumes ; pour le collier, le souvenir des fouilles du mont ST Michel en Carnac (1862)."
Extraits d’une notice émanant des services de la préfecture et décrivant le fronton côté cour. 1864. N 773
Un magnifique jardin
Le dessin du parc est confié à un architecte parisien, Varé, et l'exécution des terrassements et des plantations au paysagiste John Wallen, à partir de 1863.