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Le dolmen de Mané-Rutual

Le chambellan de l’empereur d’Autriche, le baron de Bonstetten, se rend dans le Morbihan. « [Sa] curiosité [l’] a conduit au milieu de l’hiver jusque dans notre Morbihan pour y voir les antiquités celtiques que possède, en si grande quantité, notre pays. »

Cet érudit, auteur de plusieurs ouvrages d’archéologie, a exploré bon nombre de sites archéologiques en Suisse notamment. Le 13 février 1860, il se rend, accompagné de Louis Galles, érudit morbihannais, à Locmariaquer pour fouiller le dolmen de Mané-Rutual. L’archéologie est alors le domaine des amateurs qui dépensent avec passion leur temps et leur argent à la découverte de nouveaux sites. Le Morbihan est une destination privilégiée.

Les premières fouilles officielles

« Le dolmen du Mané-Rutual (…) est un des plus remarquables monuments mégalithiques du Morbihan sous le rapport de ses dimensions et l’énormité des blocs employés à sa construction » rapporte, en 1885, le Dr de Closmadeuc, érudit et membre éminent de la société polymathique du Morbihan. Il poursuit « le Président de Robien [au 18e siècle] est le premier (…) a avoir appelé l'attention des savants sur les antiquités de Locmariaquer (…). Tous les archéologues qui se sont arrêtés à Locmariaquer mentionnent ce monument. Mais leur description, très incomplète, se réduit à la mensuration de la grande table. La première fouille, dont la date soit authentiquement connue, remonte à 1860 (…). Les explorateurs trouvèrent dans les déblais, des éclats et une tête de flèche en silex; des poteries grossières, et en outre des débris de vases romains, une monnaie en bronze de Constantin II et quelques fragments de statuettes blanchâtres de Vénus et de Lucine.  » Le baron de Bonstetten garde par-devers lui quelques objets de la fouille au titre de sa collection personnelle.

La protection de l’État au titre des monuments historiques

Constatant que le site sert de décharge et accumule « les débris et les ordures provenant du champ et même des maisons voisines  », le Dr de Closmadeuc vise l’acquisition du monument par l’État afin de le protéger. Il relate que « les négociations trainèrent en longueur pendant plusieurs années. Les propriétaires étaient nombreux et hésitants. - Parmi eux, il y avait des marins qui étaient en voyage, et des enfants mineurs  ». En 1885, l’État devient acquéreur du monument pour la somme de 1 687,50 francs. Des travaux pour assurer la conservation du dolmen sont entamés. Huit jours sont nécessaires pour déblayer le site. Des pierres sont relevées et un muret en pierres sèches de 1m10 de hauteur et long de 82 mètres est construit pour protéger le dolmen. Les objets provenant des fouilles du site lors de cette restauration « ont été offerts par le ministre des Beaux-Arts au musée de la société polymathique  ». Le dolmen est classé monument historique quatre plus tard, en 1889.

Des gravures pariétales

Les signes gravés sur les pierres du dolmen attirent la curiosité des savants. En 1927, l’archéologue Zacharie Le Rouzic s’associe au couple Péquart, archéologues également, pour publier des gravures du monument dans un Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan. Les auteurs réalisent alors un travail scientifique inédit. Les photographies des gravures sont recouvertes «  de calques sur lesquels sont indiqués seulement tous les signes certains que [les auteurs ont] reconnus après une longue étude sur place des pierres et des moulages » . Zacharie Le Rouzic maintient son intérêt pour le monument préhistorique en le restaurant. En 1936, il redonne ainsi à la dalle de couverture son horizontalité d’origine.
Il faut attendre ensuite les années 2000 pour que les archéologues, Serge Cassen en tête, se penchent à nouveau sur les gravures pariétales du dolmen de Mané-Rutual. Les moyens numériques mettent au jour plusieurs gravures inédites soit sur des surfaces anciennement inventoriées, soit sur de nouvelles stèles.

Des sources documentaires variées

Les archives départementales du Morbihan conservent des dossiers sur les monuments mégalithiques dans la série T consacrée à l’enseignement général, aux affaires culturelles et aux sports. Les dossiers d’acquisition, de restauration, de surveillance et de classement au titre des monuments historiques y sont conservés pour la période 1820-1940. La série Z, consacrée aux sous-préfectures, apportera, de façon moindre, des informations sur cette thématique. Après 1940, les archives départementales conservent dans leurs collections les fonds des services préfectoraux et du conseil départemental agissant sur le patrimoine préhistorique. Le 9 W conserve ainsi les dossiers de fouilles et découvertes archéologiques de 1940 à 1948. Des documents sur le patrimoine archéologique sont conservés dans le versement 1618 W lié au pré-inventaire et inventaire des monuments et richesses historiques (1974-1979).
Les archives privées recèlent également de nombreux documents sur les fouilles archéologiques et les monuments mégalithiques réalisées aux 19e et 20e siècles. Les fonds, Galles, Patrick André et Joël Le Cornec en sont les parfaits exemples. La bibliothèque historique conserve, en nombre, brochures et fascicules, publiés pour certains à faible tirage, des érudits et savants heureux de partager le fruit de leurs découvertes. Les bulletins de la société polymathique du Morbihan sont consultables librement en salle de lecture des archives départementales. L’état de collection débute en 1858. Ils sont également accessibles sur le site Gallica de la BNF pour les années 1860 à 1943. Les sites mégalithiques du Morbihan, en premier lieu Carnac et Locmariaquer, sont l’objet de nombreux clichés édités en cartes postales, conservées en 9 Fi.
Une page de notre site Internet, le patrimoine des communes, permet d’accéder aux ressources patrimoniales, commune par commune. Parmi ces ressources, la bibliothèque numérique du Service Régional de l’Archéologie de Bretagne qui a mis en ligne les rapports de fouilles dans le Morbihan depuis les années 1960.

Sources exploitées :

  • T 925. - Monuments mégalithiques de Locmariaquer, 1882-1927
  • 1 Z 198. - Monuments historiques, demandes de classement, acquisitions, donations, 1865-1930
  • IB 179. - Bulletins de la société polymathique du Morbihan, Vannes, 1858-2019
  • PB 442. - PÉQUART (Marthe), PÉQUART (Saint-Just), LE ROUZIC (Zacharie), Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan, Paris, Picard-Berger-Levrault, 1927, 368 p.
  • PIRAULT Lionel, LOCMARIAQUER (56). Carte archéologique communale. Rapport de prospection inventaire. Prospection diachronique, RAP01418, Service régional de l'archéologie de Bretagne.
  • BLANCHET Stéphane, LOCMARIAQUER (56). "mané rutual". Dfs de diagnostic archéologique. Opération préventive de diagnostic, RAP01901, Service régional de l'archéologie de Bretagne.
  • CASSEN Serge, LOCMARIAQUER (56). Le Mane Rutual, relevé de gravures pariétales. Prospection diachronique, RAP02017, Service régional de l'archéologie de Bretagne.

Références des citations par ordre d'apparition

  • Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1860, p.12.
  • Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1885, p. 112.
  • Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1885, p. 113.
  • Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1885, p. 113.
  • Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1885, p. 118.
  • Corpus des signes gravés des monuments mégalithiques du Morbihan par Marthe et Saint-Just Péquart et Zacharie le Rouzic, 1927, p. 4.
  • CASSEN (Serge), LOCMARIAQUER (56). Le Mane Rutual, relevé de gravures pariétales. Prospection diachronique, RAP02017, Service régional de l'archéologie de Bretagne.
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