Les expositions internationales apparaissent en Europe au milieu du 19e siècle. Sans remonter aux foires médiévales, elles s’inscrivent dans la lignée des expositions industrielles instaurées à Paris dès 1798, pour relancer et protéger l’industrie française après la Révolution et susciter une émulation entre fabricants et négociants. Strictement nationales, celles-ci ne concernent que le secteur industriel et se poursuivent régulièrement à Paris jusqu’en 1849. Parallèlement, des expositions de même nature sont organisées en Angleterre. En 1851, Londres organise la toute première exposition universelle. Par leur faste et leur caractère hétéroclite, voire leur extravagance, elles rencontrent un énorme succès populaire.
Celle de 1900, organisée à Paris, et décidée dès 1892 (NOTE), est inaugurée le 14 avril par le président de la République Émile Loubet. Elle ferme ses portes le 12 novembre.
Le bilan d’un siècle
Cette exposition, qui se veut le « bilan d’un siècle » (NOTE) est aussi celle du gigantisme : installée sur 216 hectares entre le centre de Paris et l’annexe du bois de Vincennes, elle accueille plus de 83 000 exposants et près de 60 millions de visiteurs. Ces derniers accèdent aux différents sites par 136 portes d’accès dont la porte monumentale, flanquée de ses seize guichets, située place de la Concorde.
L’exposition de 1900 marque la réalisation ou l’aboutissement de grands projets : mise en service de la première ligne du métro parisien, gare d’Orsay, pont Alexandre III, Petit et Grand palais... Elle met en avant les grandes innovations technologiques (électricité, cinéma…) et offre au public de multiples attractions populaires.
Le banquet des maires de France…
Au niveau national, l’un des événements officiels majeurs de l’exposition universelle est le banquet des maires qui se tient dans le jardin des Tuileries le 22 septembre. La date choisie est symbolique puisqu’il s’agit de la date anniversaire de la proclamation de la Première République.
Une "querelle des banquets" avait opposé pendant les semaines précédentes le gouvernement Waldeck-Rousseau et la municipalité de Paris, reflétant les tensions politiques entre républicains et conservateurs et alimentant la presse nationale et locale (NOTE). La ville de Paris désirait en effet organiser son propre banquet des maires, prévu le 23 septembre mais à une échelle plus modeste (1 000 invités). Ce banquet est finalement annulé.
Cette fête républicaine voulue par le président Loubet est, quant à elle, un triomphe puisque près de 23 000 maires répondront à l’invitation ! Parmi ces élus, on compte environ 90 maires bretons (NOTE). La presse souligne le caractère convivial de ce banquet "pantagruélique".
Les journalistes détaillent le menu de ce déjeuner hors norme et rapportent avec délectation à leurs lecteurs les chiffres liés à l’organisation de l’espace et du repas. Ici encore, c’est la démesure des chiffres qui frappe : 7 km de tables pour accueillir les convives, 3 000 personnes en charge des cuisines, 2 500 canetons, 18 000 pêches, 11 000 bouteilles de vin, 34 000 petits pains (NOTE)… !
Les maires, venus de toute la France métropolitaine ou des colonies, sont ensuite reçus au palais de l’Élysée (NOTE).
… et celui des maires bretons
Pour les maires bretons, les festivités ne s’arrêtent pas à cette journée. Grâce au village breton implanté sur l’esplanade des Invalides, la Bretagne est bien présente à Paris lors de cette exposition internationale. Paul Sébillot, vice-président du Comité de Patronage, témoigne : « Le Village Breton est un des coins les plus curieux de cette merveilleuse Exposition, qui en compte tant, et il a un caractère très original, très particulier ; c’est comme une tranche de Bretagne en plein Paris. Notre pays y est représenté par ses monuments caractéristiques». Le livret de L’Exposition bretonne (NOTE) rend compte du travail effectué par les comités départementaux pour assurer le succès de l’entreprise.
Les maires de Bretagne sont donc conviés à une journée de fête le 24 septembre, qui cumule remise des récompenses, séance au Cabaret breton, banquet et illuminations (NOTE). Et c’est par un «bal, aux sons du biniou et de la bombarde (NOTE)» que s’achève l’aventure parisienne des maires bretons.
Une documentation variée
Aux archives départementales du Morbihan, les premiers documents concernant les expositions datent de 1807 avec l'exposition nationale de l’Industrie française à Paris. Succincts lors des premières années, les dossiers relatifs aux expositions universelles s’étoffent avec la progression des envois d'exposants morbihannais, mais surtout avec la participation de délégations ouvrières à partir de 1878. Le choix des préfets, la correspondance échangée à ce sujet peuvent fournir un apport à une étude sociologique de l'époque. La documentation relative aux expositions internationales est moins riche, le Morbihan pour des raisons essentiellement financières n'ayant participé qu'à celles tenues à Paris. En revanche, les listes des objets exposés par les fabricants morbihannais lors des expositions nationales donnent malgré leurs concisions une idée assez précise des industries du département dans la 1ère moitié du 19e siècle. Enfin, si les dossiers relatifs aux expositions régionales sont peu bavards, ceux des expositions départementales apportent des renseignements précieux au chercheur intéressé par l'évolution industrielle du département au 19e, grâce en particulier aux rapports parfois très critiques du jury chargé de transmettre aux préfets les résultats des expositions.
L’ensemble des dossiers évoqués est conservé dans la sous-série 8 M dédiée au commerce. La sous-série 7 M (agriculture) contient les dossiers des concours d’animaux lors de ces évènements. Le fonds de la chambre de commerce et d’industrie du Morbihan (5 ETP) complète les sources sur cette thématique. Par ailleurs, la presse ancienne, consultable en ligne, reste une source majeure d’information sur le climat politique de la période et la perception des divers événements au niveau local. Enfin, le fonds Lotz, consultable en ligne, offre quelques vues originales de l’exposition universelle de 1900.
Sources consultées :
- 8 M 118. - Exposition universelle de Paris, instructions, participation et palmarès morbihannais, délégations ouvrières, 1897-1900.
- 7 M 318. - Concours d'animaux gras et reproducteurs, concours spéciaux de vins, cidre, poiré et eaux de vie : réglementation, déclarations des exposants, nomination du jury, 1894-1904.
- 5 ETP 427. - Expositions universelles de 1900 et 1937 à Paris : correspondance, télégrammes, listes nominatives des invités, règlement général de l'exposition de 1900, allocution, actes organiques (1896-1937). Exposition internationale à Lorient de 1903 : correspondance, règlements généraux, bulletins de demandes d'admission (1903). Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925 : correspondance, brochures, coupures de presse, photographies, plans (1923-1925). Exposition coloniale internationale de 1931 : correspondance, brochures, plan (1929-1931). Foires de Paris et de Rennes : correspondance, brochures, cartons d'invitation (1941-1962). Expositions du travail : correspondance, coupures de presse, liste des métiers figurant à l'exposition (1936-1951).
- 1 T 146. - Livrets de présentation de congrès internationaux et de l'exposition universelle de 1900, 1889-1900.
- PB 2800. - COLLET (Isabelle), LOBSTEIN (Dominique), Paris 1900, la ville spectacle : exposition, Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, 2 avril-17 août 2014.- Paris-Musées, 2014
- FB 146. - GERS (Paul), En 1900, Librairie A. Pigoreau, s.d.
- HB 13114. - HOUTE (Arnaud-Dominique) Histoire de la France contemporaine. 4, Le triomphe de la République : 1871-1914, Seuil, 2014
- PB 1211. - Le Panorama : Exposition universelle, Librairie A. Pigoreau, s.d.
- JO 6.- L’Arvor
- JO 10.- L’Avenir de la Bretagne
- JO 25.- Le Courrier du Morbihan
- JO 26.- Le Courrier morbihannais
- JO 67.- Le Morbihannais
- JO 229.- Le Nouvelliste du Morbihan
- JO 79.- Le Phare de Bretagne
- JO 186.- Le Progrès du Morbihan
Notes de l'auteur
- L’exposition de 1900 suscite de l’enthousiasme mais aussi bien des critiques. Les archives départementales du Morbihan conservent sous la cote 5 ETP 427 quelques courriers qui témoignent de l’opposition de leur expéditeur à l’organisation d’un tel événement ainsi qu’un livret intitulé Pas d’exposition en 1900, édité à Nancy en 1896 par la Ligue lorraine de décentralisation, dans lequel le comité expose les motifs politiques, économiques, provinciaux, financiers et sociaux qui le guident.
- Paul Gers, dans son ouvrage En 1900, cite ainsi le ministre du commerce Jules Roche: « il fallait permettre à la France de clore par un triomphe pacifique, le siècle qu’elle a inauguré en organisant les premières expositions…». Archives départementales du Morbihan, FB 146.
- La presse morbihannaise en fait écho par exemple dans un article du 12 septembre 1900, «Les deux banquets et les maires du Morbihan» publié par le journal royaliste et catholique Le Morbihannais ou dans un article du 22 septembre 1900, "M. Méline et les maires" édité par le journal républicain Le Progrès du Morbihan.
- Le lecteur pourra consulter la liste des maires participants ou de leurs représentants (adjoints ou conseillers municipaux), classée par arrondissements, dans Le Nouvelliste du Morbihan du dimanche 16 septembre 1900. Les journaux ne donnent pas tous le même nombre de participants, ce nombre variant entre 89 et 96 selon le titre de presse consulté.
- Pour plus de détails, le lecteur pourra se reporter aux articles publiés par Le Nouvelliste du Morbihan et Le Progrès du Morbihan le 12 septembre 1900.
- Paul Gers, photographe et publiciste, fait un compte rendu très détaillé du banquet des maires dans son ouvrage En 1900. Archives départementales du Morbihan, FB 146.
- Discours de Paul Sébillot lors de la remise des prix au village breton le 24 septembre. Archives départementales du Morbihan, 8 M 118.
- Archives départementales du Morbihan, 8 M 118 et 5 ETP 427.
- Archives départementales du Morbihan, 8 M 118.
- in Le Progrès du Morbihan, 26 septembre 1900
Livret de l’exposition bretonne à l’exposition universelle de Paris, 1900. Archives départementales du Morbihan, 5 ETP 427