Lorsque les Alliés débarquent en Normandie le 6 juin 1944 (opération Overlord), les Résistants morbihannais participent à distance à l’opération. La bataille du maquis de Saint-Marcel constitue un des plus hauts faits d’armes de la Résistance.
Dans le cadre de l’opération Overlord, les 500 hommes du 2e régiment de chasseurs parachutistes de la France Libre, baptisés les SAS en raison de leur appartenance à la brigade britannique du Special Air Service, ont reçu pour objectif de fixer les Allemands en Bretagne, afin d’empêcher ou de retarder l’envoi de renforts vers le front de Normandie. À cet effet ils doivent, par des missions dispersées, saboter voies ferrées, lignes téléphoniques et télégraphiques et créer deux bases de repli avec l’aide de la Résistance : Samwest dans les Côtes-du-Nord et Dingson dans le Morbihan.
Un maquis de 500 hectares
Le 18 juin 1944, cachés dans un champ de blé près de la Croix Helléan (Morbihan), ils s'apprêtent à rallier le maquis de Saint-Marcel. Ils rebrousseront chemin, l'ordre d'évacuation du camp ayant été donné en fin de journée. De gauche à droite : dans son duvet, le parachutiste S.A.S. Françis Folin, Ange Urien, un maquisard surnommé "Riri" et Henry Corta.
Sur le territoire morbihannais, deux équipes de neuf hommes, les sticks, commandées chacune par un officier, les lieutenants Marienne et Deplante, sont parachutées respectivement à Plumelec et Guéhenno, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. À Plumelec se produit un accrochage avec l’ennemi, au cours duquel le caporal Émile Bouétard devient la première victime française des combats de la Libération. Guidés par la Résistance, les deux sticks arrivent le 7 juin à la ferme de La Nouette à Sérent, près de Saint-Marcel. La nuit suivante, sont larguées en divers lieux les équipes de sabotage.
À La Nouette, se trouve un terrain de parachutage secret, homologué depuis février 1943 sous le nom de code Baleine. C’est là également que, pour mener à bien les instructions reçues par message de la BBC, le colonel Morice a demandé le 5 juin au bataillon FFI de Ploërmel-Josselin de se rendre, pour constituer la garnison d’un centre mobilisateur.
À la suite des messages radio du lieutenant Marienne, impressionné par les possibilités d’organisation qui s’annoncent, le commandant Bourgoin, chef des SAS français, décide de se faire parachuter sur place avec le reste de son régiment. À sa demande, le colonel Morice invite les bataillons FFI à rallier, par petits détachements, La Nouette et le camp de Saint-Marcel pour y recevoir des armes. Chaque nuit, ce sont ainsi 150 à 200 containers d’armes et de munitions (soit 45 tonnes) qui sont largués et jusqu’à 700 containers le 13 juin. C’est le plus important parachutage de France occupée et même, avec l’atterrissage de quatre Jeeps SAS la nuit du 17 juin, une première mondiale en opération. On estime que 4 000 résistants sont passés par Saint-Marcel pour y obtenir leur armement.
Curieusement, les Allemands ne réagissent pas jusqu’au franchissement de l’entrée du camp par deux tractions de la Feldgendarmerie de Ploërmel, le 18 juin au petit matin. L’alerte est donnée et le maquis qui s’étend sur plus de 800 hectares, défendu par environ 2 500 hommes, doit durant la journée entière essuyer trois attaques successives de troupes toujours plus nombreuses et aguerries. Seul un bombardement aérien, demandé par le commandant Bourgoin à Londres par radio, apporte un peu de répit.
Cliché pris le 20 juin 1944 dans une grange à Kersamson près de Loyat (Morbihan) où ils ont trouvé refuge. De gauche à droite : au premier plan, Henry Corta et Ange Urien. Derrière : Michel Lakermance, un maquisard surnommé "Riri" et André Bernard. Françis Folin prend la photo.
Bilan et représailles
À la tombée de la nuit, alors que l’ordre de dispersion est donné, la bataille de Saint-Marcel se solde, du côté français, par 28 morts, 60 blessés et 15 prisonniers. En face, les pertes sont beaucoup plus élevées. La dispersion du maquis de Saint-Marcel amène les Alliés à renoncer au système des grandes bases d’armement. Pour autant, la bataille connaît un énorme retentissement en Bretagne car, pour la première fois, l’armée allemande est tenue en échec.
Les jours suivants, les Allemands se vengent en massacrant les FFI et les civils isolés et en incendiant le bourg de Saint-Marcel. Puis ils lancent une impitoyable chasse à l’homme à l’encontre des résistants et des parachutistes. Le 24 juin 1944, huit jeunes hommes sont fusillés à Pluherlin, 27 hommes subissent le même sort à Lanvénégen.
Rapport adressé au préfet du Morbihan sur les mesures à prendre pour préserver les récoltes des fermiers locaux et qui décrit en détail l'état de la zone des combats de Saint-Marcel, le 7 juillet 1944.
À la suite de Saint-Marcel, d’autres bases importantes qui ont bénéficié de parachutages, comme Botségalo en Colpo, Kerusten et Malvoisin en Ploërdut, vont se disperser. Les accrochages entre les maquisards et les Allemands sont incessants. La libération du Morbihan est en marche.
Les sources documentaires
Très vite, se créent des comités pour préserver la mémoire des années 1939-1945. Naissent ainsi la Commission d'histoire de l'occupation et de la libération de la France et le Comité d'histoire de la guerre, créés respectivement en octobre 1944 et en juin 1945. En 1951, la fusion des deux instances donne naissance au Comité d'histoire de la deuxième guerre mondiale. Dans chaque département, des correspondants sont chargés de susciter des témoignages sur divers aspects de la Résistance et de l'Occupation et de recueillir les archives personnelles des acteurs de la période.
Dans le Morbihan, Roger Leroux, enseignant, est investi de cette mission en 1959. Les travaux du comité s’articulent autour de cinq thématiques : généralités, défaite française et Occupation, Résistance, Occupation, Libération et victimes de guerre et sépultures).
En 1972 puis 1983, Roger Leroux fait don des archives du comité départemental aux Archives du Morbihan, conservé sous la cote du 41 J. Ces dossiers sont essentiellement constitués de notes et recueils de témoignages mais peuvent contenir des pièces originales et de la documentation. Roger Leroux a par ailleurs établi de précieux fichiers, alphabétiques pour les Résistants et collaborateurs et, chronologiques pour les événements survenus dans le département entre 1940 et 1945.
Concernant le maquis de Saint-Marcel et la bataille du 18 juin 1994, il convient principalement de consulter la cote 41 J 62. Le dossier contient notamment :
- une copie d'un rapport adressé au préfet du Morbihan le 7 juillet 1944 sur les mesures à prendre pour préserver les récoltes des fermiers locaux. Il décrit en détail l'état de la zone des combats de Saint-Marcel (1944) ;
- les témoignages du colonel Bourgoin, Joseph Morgant du 3e bataillon FFI, Anna Pondart (épouse Gorel), Jeanne Bohec, Mme Croisé, Mme Mallard, Suzanne Le Berd (épouse Le Calonnec) (1962-1973) ;
- Les groupes d'Uriage et le capitaine Le Brecq avant, pendant et après la bataille de Saint-Marcel écrit par Jean Le Veugle (Jacques Le Brecq) (1979) ;
- La journée historique du 18 juin 1944 aux abords de Saint-Marcel écrit par Paul Chenailler dit colonel Morice [1945-1959].