La première caisse d'allocations familiales

C’est à un entrepreneur de la région lorientaise, Émile Marcesche, que l’on doit la première caisse d’allocations familiales en France, créée en 1918.

Une initiative privée lorientaise

Une revue, La Journée industrielle, relatera quelques années plus tard : « l’industrie lorientaise peut se flatter d’avoir fondé la première caisse de compensation. Cette institution admirable, si vite propagée dans tout le pays, sous la seule impulsion de l’initiative privée, a été, (…) l’œuvre d’une seule personnalité : M. Marcesche, le président actuel de la Chambre de commerce du Morbihan. (…) Il s’est (…) soucié du bien-être de ses collaborateurs à tous les degrés. L’organisation de la « caisse familiale » relève des préoccupations de cet ordre : elle tend à ne plus considérer l’ouvrier comme une simple machine à produire, mais à se soucier de son rôle social, dans son propre intérêt comme celui de la nation, à lui procurer les ressources nécessaires pour lui permettre de fonder un foyer et d’élever ses enfants. »

Émile Marcesche présente ainsi, le 29 janvier 1918, les statuts d’une caisse familiale ouvrière à quelques entrepreneurs issus de son propre groupe industriel qui les approuvent. Ce sont les charbonnages Marcesche, l’entreprise Le Brise, l’Armoricaine de charbonnages, La grande cidrerie de Lorient et la compagnie lorientaise de chalutage à vapeur. Les employeurs versent par « toute journée d’ouvrier, une certaine somme à une caisse et celle-ci répartit le produit des versements uniquement entre les ouvriers chargés de famille. » C’est le principe fondateur des allocations familiales.

Un développement national

Le soutien à la natalité est une préoccupation nationale dans ce contexte de première guerre mondiale et le soutien économique en direction des familles nombreuses vise cet objectif. Un autre industriel, Émile Romanet, a la même initiative qu’Émile Marcesche et crée une caisse identique en avril 1918 dans le département de l’Isère. Très rapidement, des caisses similaires fleurissent sur tout le territoire français à tel point que le ministère du Travail déclare : « l’institution se répand dans toute la France avec une rapidité dont on trouve peu d’exemples dans l’histoire des institutions sociales ».
Dans le Morbihan, chaque ouvrier des entreprises adhérentes à la Caisse est muni au moment de son embauche, d’une carte d’identité de couleur variable suivant le nombre de personnes qu’il a à sa charge. Après chaque journée de travail, il reçoit un ticket d’allocation familiale de même couleur que sa carte d’identité. Tous les lundis, il remet au bureau de la caisse tous les tickets qu’il a reçus pendant la semaine précédente. Le lendemain l’ouvrier reçoit son allocation pour la semaine passée. De 25 centimes par enfant pour les deux premiers enfants et 50 centimes à partir du 3e, l’allocation double en juin 1919 à 50 centimes par jour pour un enfant à charge, 1 franc pour 2 enfants, 2 francs pour trois…. En 1920, 531 pères morbihannais reçoivent un sursalaire pour 1 077 enfants.
Les années suivantes, de grandes entreprises adhèrent à la caisse tels que les établissements Delory, les Kaolins d’Arvor ou bien La Bretonne d’électricité. Émile Marcesche fait personnellement la promotion de cette caisse auprès des entrepreneurs morbihannais. Un bilan est dressé dans un courrier de l’année 1934 :

« La petite caisse familiale de Lorient, créée en 1918, a donné entière satisfaction aux intéressés. Elle a groupé pendant une quinzaine d’années, une cinquantaine d’industriels et de commerçants, employant environ 2 000 salariés  ».


Par ailleurs, la loi du 11 mars 1932 rend les allocations familiales obligatoires. Cette même loi oblige les caisses déjà créées à obtenir l’agrément de l’État. C’est ainsi que la caisse familiale de la région lorientaise devient la caisse départementale des allocations familiales du Morbihan le 2 octobre 1933 et ses statuts sont agréés par arrêté du ministre du Travail du 19 septembre 1933.

Aux sources de l’histoire sociale

Les Archives départementales conservent trace de la naissance de cette initiative sociale dans le fonds d’archives de la chambre de Commerce et d’Industrie (5 ETP). Les Archives municipales de Lorient conservent également des documents sur l’activité du groupe Marcesche et la vie privée de l’industriel.
D’une manière générale, les archives liées à la prévoyance et à l’assistance sociale entre 1800 et 1940 sont conservées dans la série X des Archives du Morbihan. Le chercheur découvre dans ces fonds un matériau pour écrire l'histoire sociale du département. Sont conservés ainsi l’activité des bureaux de bienfaisance, l’activité des services de protection de l’enfance depuis le 19e siècle ou encore celle des nombreuses sociétés de secours mutuels qui fleurissent au cours de cette période. Pour la période postérieure à 1940, les archives liées à l’action sociale sont conservées dans la série W.

Sources consultées :

  • BOISSON (Pascal), « Émile Marcesche (1868-1939) : capitaine d’industrie à Lorient » in Histoire et Mémoire, n°4, septembre 2012. Archives départementales du Morbihan ; Per 2010.
  • 5 ETP 702. – Chambre de commerce et d’industrie du Morbihan,  caisses d'allocations familiales : correspondance, textes officiels, règlements intérieurs, statuts, procès-verbaux d'assemblées générales. Cotisations. Bénéficiaires : correspondance, extraits des registres des délibérations. 1919-1966.
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