Un jour de septembre de l’année 56 avant Jésus-Christ, s’affrontent sur l’actuelle côte morbihannaise les flottes romaine et vénète. Ce combat naval s’inscrira dans l’histoire comme la bataille des Vénètes. Jules César, dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, qualifie les Vénètes de « peuple de beaucoup le plus puissant de toute cette côte maritime » [la côte atlantique bretonne]. Même si glorifier son adversaire est un moyen assez évident pour l’auteur de se mettre en valeur, il n’en demeure pas moins que cette bataille est un moment fort dans la conquête de la Gaule par le consul et dans l’histoire de Bretagne.
De fait, après avoir réglé divers conflits dans l’est en 58-57 avant J.-C., Jules César, envoie une légion soumettre les peuples gaulois de l’Armorique – soit l’actuelle Bretagne –, et d’une partie de la Normandie et de l’Anjou actuels, peuples qui ont été contraints de confier des otages au légat P. Crassus. Cependant, lorsque celui-ci tente de réquisitionner du blé, en période de pénurie, les ambassadeurs qu’il avait chargés de la collecte sont faits prisonniers par les peuples prétendument « soumis », au premier rang desquels se trouvent les Vénètes. L’affrontement devient alors inéluctable.
Parallèlement à des opérations menées en dans l’actuelle Normandie, Jules César s’attaque donc aux Vénètes, dont il prend alors conscience de la valeur, si on se réfère aux quelques textes qui en témoignent.
Les Vénètes ont, en effet, une très bonne connaissance des lieux, et sont très mobiles, s’échappant par la mer dès que nécessaire. C’est pourquoi les attaques menées par les Romains durant le printemps et l’été contre leurs villes, qu’ils ont d’ailleurs fortifiées (oppida) comme à la pointe du Blair à Baden ou à Beg-an-Aud à Saint-Pierre-Quiberon, ne parviennent pas à emporter la décision..
En outre, les Vénètes connaissent très bien le milieu maritime, notamment le phénomène des marées, inexistant en Méditerranée, et possèdent des navires particulièrement bien adaptés à la navigation sur l’océan : construits en chêne et donc très solides, avec des voiles en cuir fin plutôt qu’en toile, une proue et une poupe élevées, et un fond presque plat. La marine de Jules César est d’une part peu importante en nombre, d’autre part ses navires, légers et bas sur l’eau, et se mouvant avec des rameurs ne peuvent soutenir la comparaison avec la puissante flotte vénète.
C’est néanmoins sur mer que le dénouement a lieu, lorsque 220 navires vénètes s’opposent aux renforts en marins et en bâtiments commandés par César durant l’hiver. Des galères arrivées de Méditerranée, menées par Decimus Junius Brutus, ont joint les nouvelles embarcations construites dans l’estuaire de la Loire et les bateaux fournis par les peuples gaulois du Poitou et de la Saintonge actuels. Tous ces bâtiments se sont positionnés sur la côte, peut-être près de Suscinio.
César est déjà présent en Armorique, avec l’infanterie qui a précédemment mené les attaques terrestres. Le jour de la bataille, il se trouve probablement dans la commune actuelle d’Arzon, sur le tumulus de Tumiac (« Butte de César ») ou sur le cairn du Petit-Mont.
L’historien Pierre Emmanuelli décrit la bataille maritime en quatre temps. D’abord les Vénètes, largement favorisés par le vent matinal, se portent contre les Romains ; il est environ 9 h. Leur stratégie vise à faire le plus de dégâts possibles parmi les navires ennemis, moins solides, en les percutant. Brutus, encore au mouillage et donc plus ou moins acculé, tente alors de gagner le large, au risque de voir la supériorité des navires vénètes s’exprimer. Il bénéficie bientôt d’un atout majeur cependant : le vent faiblit jusqu’à s’arrêter, et le combat naval reprend des allures connues, où l’expérience des Romains se fait jour, habitués qu’ils sont aux manœuvres rapides et aux abordages violents. Les Vénètes sont peu à peu débordés et leurs vaisseaux détruits ou rendus inutilisables par les armes ennemies.
La bataille s’achève sur une lourde défaite pour ceux-ci, suivie d’une répression sévère de la part de César : leurs dirigeants sont mis à mort et une grande partie de la population est vendue comme esclaves.
Orientations bibliographiques
- IB 80. - CRESTON (R.-Y.), « César et les Vénètes : notes critiques sur la bataille navale livrée par Brutus contre les Vénètes en 56 av. J.-C. », in « Notices d’archéologie armoricaine » des Annales de Bretagne, t. 65/1, 1958, p. 60
- IB 80. - EMMANUELLI (P.), « César et les Vénètes : le combat naval de 56 av. J.-C. », in « Notices d’archéologie armoricaine » des Annales de Bretagne, t. 63/2, 1956, pp. 55-87
- HB 13296.- 11 batailles qui ont fait la Bretagne, sous la dir. de Dominique Page, Skol Vreizh, 2015.