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Hiver 1962-1963

L'hiver lance son offensive sur l'Europe à la veille du Noël 1962 non sans avoir donné quelques avertissements en début de mois. L'hiver 1962-63 fera date par sa rigueur et sa persistance. La Bretagne va connaître durant 45 jours ininterrompus des températures négatives, du vent glacial, du verglas et de la neige.

Des conditions climatiques rares

La neige tombe abondamment le 28 décembre 1962 sur la Bretagne nord. Le mois de janvier de l'année 1963 va être un des mois les plus froids du 20e siècle. La douceur atlantique n'y résiste pas. Mi-janvier, la Laïta charrie des glaçons descendus des montagnes noires via ses affluents l'Isole et l'Ellé. L'étang du Ter près de Lorient est gelé pour la plus grande joie des enfants. À Quiberon, la température descend à -10 °. Le record est battu par Pontivy qui affiche -18° lors de la nuit glaciale du 21 janvier. Le froid garde son emprise tout au long du mois. La rivière Le Loch à Auray finit par être figée par les glaces. La baie est de Quiberon est devenue une banquise large parfois de 300 mètres. Les épisodes neigeux se succèdent. À Gourin, Il neige durant plusieurs jours, le 3 février 1963, la couche atteint à certains endroits 20 cm. Le thermomètre descend la nuit suivante à – 16°.

Le quotidien perturbé

La vie quotidienne est fortement perturbée. Au début des années 1960, le confort domestique et l'isolation des habitations sont encore rudimentaires. De nombreuses familles de la région lorientaise vivent toujours dans des baraques de l'après-guerre. On comprend alors combien les Morbihannais vont souffrir du froid.

À la mi-janvier, pour laver leur linge, les lavandières vannetaises brisent une glace épaisse formée sur l'étang au duc et qui supporte aisément le poids de quelques patineurs. Depuis Noël, les stocks de charbon s'amenuisent. Vers le 25 janvier, Vannes manque de charbon, plusieurs négociants ont fermé leurs portes faute de marchandises. L'eau gèle les canalisations. À cette même date, 3 à 400 foyers sont privés d'eau. La ville fait appel aux militaires pour approvisionner les Vannetais. Quatre citernes de 1 000 litres font le plein à la caserne des sapeurs-pompiers puis sillonnent la ville. Dans beaucoup de localités, fontaines et puits, abandonnés depuis l'arrivée de l'eau courante, retrouvent une seconde vie.

Tous contre le froid

Si l'air est glacial, la solidarité bat son plein. Les automobilistes de la RN 24 se retrouvent immobilisés sur la route verglacée en pleine campagne ploërmelaise. Se met en place un vaste mouvement de solidarité coordonnée par la gendarmerie. Des voitures haut-parleurs invitent les habitants à mettre des chambres à la disposition des voyageurs. Les pensionnats Lamennais et le Sacré-Cœur font annoncer par la radio leurs possibilités d'hébergement. Bon nombre de voyageurs trouvent un gîte agréable à Ploërmel. À Pontivy, le fourneau économique est réouvert début janvier. Près de 65 repas y ont servis le premier jour avec, au menu, pot-au-feu, ragoût de bœuf, pommes de terre et gâteaux secs. À la même période, les vétérans alréens font appel à la générosité publique pour fournir les nécessiteux en charbon.

Une économie paralysée

La paralysie des transports est la première conséquence du froid. À Vannes, le thermomètre affiche -10° le matin du 15 janvier et la vedette blanche assurant la desserte des îles ne peut sortir prise par la glace. À plusieurs reprises, la neige et le verglas figent les transports. Le manteau neigeux tombé sur le département le 2 février 1963 interrompt le trafic routier à hauteur de 85 %. La SNCF, faute de pouvoir faire circuler ses autocars, ressuscite le train d'Auray à Pontivy à trois reprises au cours de l'hiver.

L'économie tourne au ralenti faute de combustibles. L'approvisionnement en charbon ne peut se faire, le trafic fluvial étant interrompu dans les canaux du nord de l'Europe. Les péniches remplies de fuel parviennent, quant à elles, avec beaucoup de difficultés jusqu'à Donges, la Loire étant devenue un fleuve sibérien.

Les chantiers de construction sont suspendus pour cause d'intempéries. Les ouvriers bénéficient du chômage-intempéries mis en place en 1946. À Gourin, fin février, les ouvriers du bâtiment sont ainsi pratiquement réduits à l'inactivité depuis deux mois.

Les chantiers ostréicoles voient leur avenir s'assombrir avec ce froid persistant. La récolte de naissains, 25 millions de tuiles, dans le bassin ostréicole d'Auray, seul centre producteur, paraît entièrement compromise par le gel. Les naissains auront du mal à survivre sous une couche de glace, d'une épaisseur moyenne de 15 cm, qui couvre tous les parcs. Depuis des semaines, le personnel des entreprises ostréicoles est réduit au chômage. Plus de 1 000 ostréiculteurs sont touchés par la catastrophe.

Un redoux tardif

Le froid maintient son emprise jusque début février. Le Loch perd ses glaces le 8 février. Le 20 février, l'hiver livre un dernier assaut avec 10 cm de neige à Quiberon et Carnac tandis que la neige tombe pendant plusieurs jours à Gourin. Fin février, les barrières de dégel installées pour réguler la circulation sont levées dans le Morbihan. L'hiver est terminé, il aura fait grelotter les Morbihannais pendant 45 jours.

Sources consultées

  • JO 230. - La Liberté du Morbihan, décembre 1962, janvier-février 1963
  • JO 403. - Ouest-France, édition Lorient, décembre 1962, janvier-février 1963
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