À la découverte du passé de Suscinio

C’est une première… d’abord parce que jamais auparavant des investigations archéologiques n’ont eu lieu dans cette cour et ce malgré la très longue histoire du site. Mais aussi parce que ce sont des archéologues du Département du Morbihan qui interviennent au sein d’une propriété culturelle départementale. Effectivement, en 2010, un service archéologique a été créé au sein du Département et a obtenu un agrément délivré par l’Etat en qualité d’opérateur en archéologie préventive. Cela lui permet dès lors d’intervenir sur des projets d’aménagements sous maîtrise d’ouvrage départementale, compétence qui s’est depuis élargie à toute maîtrise d’ouvrage publique.

C’est quoi au juste l’archéologie préventive ? 

À l’inverse de l’archéologie programmée, dite « traditionnelle » qui est motivée par la recherche et s’inscrit dans un temps plus ou moins long, l’archéologie préventive s’attache quant à elle à vérifier la présence de sites archéologiques et le cas échéant à les étudier avant toute menace de destruction liée à des travaux d’aménagement. Cette archéologie préventive se déroule par conséquent sur un temps court, exige des compétences professionnelles reconnues et validées par l’Etat (sous la forme d’un agrément), et n’intervient que sur décision préfectorale.

Mais alors, pourquoi de l’archéologie préventive à Suscinio ?

 Afin de rendre conforme les lieux avec les nouvelles normes d’accueil dans un établissement recevant du public, le Département projette la construction d’un ascenseur destiné à desservir les différents étages du château et ainsi faciliter l’accès à tous à ce monument. Le projet prévoyait alors en 2011 de construire cet ascenseur dans une partie de la cour du château, ce qui aurait alors pour conséquence de mettre en danger d’éventuels vestiges présents en sous-sol. C’est la raison pour laquelle l’Etat a prescrit un diagnostic d’archéologie préventive. 
Et voilà pourquoi ces trois archéologues se sont retrouvés en ce matin de juillet dans la cour du château.
 

Quels sont leurs objectifs ?

Un diagnostic a pour objectif d’évaluer la présence de vestiges archéologiques. Ce peut être des murs témoins de bâtiments disparus, des indices d’occupation comme des sols ou des foyers, ou encore des objets racontant le quotidien d’une société passée. Cinq sondages sont donc réalisés dans la partie nord de la cour : deux sont entièrement fouillés manuellement, à l’aide de truelles, pelles, pioches ; pour les trois autres, la pelle mécanique facilite le travail en ôtant les premiers niveaux de la cour sous le contrôle des archéologues. Dessins, photographies, fiches d’enregistrement des données, relevés topographiques : chaque vestige rencontré est enregistré et analysé. Tous ces éléments seront consignés dans un rapport remis aux services de l’Etat qui jugeront de la poursuite des travaux.

Durant 2 mois, ces archéologues vont de découverte en découverte, mettant en lumière à la fois les riches heures du passé du château de Suscinio mais aussi le potentiel archéologique incroyable préservé sous les pieds des visiteurs. Un grand logis muni de plusieurs pièces en RDC commence à émerger. Un four à pain, un foyer, des amas de coquillages et d’os, des débris de vaisselle en céramique et en verre témoignent d’activités culinaires et des modes de consommation des habitants du château à la fin du Moyen Âge. Des fragments d’enduits peints et de carreaux de pavement, des pierres taillées, une fenêtre évoquent le faste d’un grand bâtiment noble. Cette première incursion dans le château du Moyen Âge se révèle donc positive et enthousiasmante.

Et depuis… 

Fort de ces découvertes, le Département a souhaité poursuivre l’enquête archéologique à la fois pour mieux connaitre ce site médiéval emblématique mais aussi pour offrir au public un voyage dans le réel du château de Suscinio. L’archéologie préventive s’est commuée en archéologie programmée et ainsi, depuis 2013, une équipe d’archéologues professionnels entourés d’étudiants et de bénévoles fouillent la cour du château pendant 2 mois, en juin et juillet. 
Un grand logis princier a ainsi été progressivement mis au jour, son histoire s’étend sur trois siècles (13e – 16e siècle). Il renferme au rez-de-chaussée des espaces domestiques tandis que les espaces nobles et résidentiels se déploient au premier étage. Les cuisines et le cellier découverts permettent de se plonger dans le quotidien du château aux 14e et 15e siècles. On y retrouve ainsi tous les aménagements nécessaires pour le stockage des vivres (étagères, meubles, fûts de vin, …) et pour la préparation des mets tels qu’une cheminée, un four à pain, une aire d’écaillage des poissons mais aussi un réseau d’adduction en eau propre réalisé à partir de longs tuyaux en plomb. Rares sont les cuisines et celliers de châteaux fouillés et étudiés dans leur globalité ; Suscinio forme donc aujourd’hui un très bel exemple pour comprendre ces espaces indispensables à la vie de château.
  
10 ans après cette première intervention archéologique dans la cour du château, les archéologues poursuivent leurs recherches et sont justement en train d’écrire une nouvelle page de l’histoire du château de Suscinio. Effectivement, l’apparition de nouveaux murs semblent esquisser le plan du tout premier manoir de Suscinio, celui construit au tout début du XIIIe siècle par les ducs de Bretagne. 

Et l’ascenseur dans tout ça ? Le Département a modifié le projet initial afin de préserver la cour et diminuer l’impact sur le château. Les travaux débuteront cette année…mais là c’est une autre histoire !
 

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