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20 ans d'archéologie préventive

La loi relative à l’archéologie préventive en France a 20 ans. En en fixant les principes, la loi de 17 janvier 2001 donne un cadre légal à cette discipline dont l’exercice a conduit ces dernières décennies à un véritable bouleversement de notre vision du patrimoine archéologique. 20 ans plus tard quel bilan tirer de l’application de cette loi ? Quid de l’archéologie préventive en Morbihan ?

Archéologie… préventive ?

Il existe deux modes de recherches archéologiques : celles relevant de l’archéologie préventive et celles relevant de l’archéologie programmée.

Si l’archéologie programmée s’attache, le plus souvent, à compléter la connaissance et la documentation d’un site déjà connu, l’archéologie préventive va, quant à elle, intervenir sur des sites à fort potentiel archéologique susceptibles d’être détruits dans le cadre de travaux d’aménagement du territoire. Les archéologues mènent alors leurs recherches sur décision de l’État pour sauvegarder le patrimoine archéologique.

Aux origines de l’archéologie préventive 

L’archéologie préventive naît dans un contexte d’essor de grands chantiers d’aménagement qui redessinent le paysage français dès les reconstructions d’après-guerre et plus fortement dans les années 1960. Des destructions de vestiges sans étude préalable conduisent alors à de véritables scandales médiatisés opposant aménageurs et défenseurs du patrimoine. C’est forte du constat de ces menaces que l’archéologie préventive va se développer, progressivement, empiriquement, sans faire l’objet d’une législation particulière.

Un premier modèle est testé avec la création en 1973 de l’association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan). Elle mène en 1982 les fouilles du chantier du Grand Louvre considérées toujours aujourd’hui comme la première opération d’archéologie préventive d’envergure. De nouvelles affaires éclatent cependant, révélant les limites de ce système aux contours juridiques flous.  

Il faut attendre 2001 pour que se clarifie enfin le régime juridique de l’archéologie préventive. De longs débats parlementaires conduisent à l’écriture de la loi du 17 janvier qui se fonde sur la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée à Malte le 16 janvier 1992. La France se conforme ainsi à ses engagements internationaux et assure par ce texte que les travaux d’aménagement intègrent en amont la nécessité de détecter, d’étudier et de protéger les vestiges. L’Afan est dissoute et un nouvel établissement public administratif est créé : l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). L’archéologie préventive se professionnalise et devient mission de service public.

L’application de la loi de 2001 puis la réaffirmation de la légitimité de l’archéologie préventive par la loi du 1er août 2003 vont initier une mise en valeur inédite du patrimoine archéologique dans les territoires.

Les différences de couleur visibles sur le sol révèlent la présence de deux fossés médiévaux parallèles. La présence importante de mobilier céramique dans le fossé de droite a permis d’attribuer précisément son comblement au 14e siècle. Les archéologues y ont également mis au jour des blocs de granite alignés, interprétés comme de possibles supports d’une haie plessée (clôture végétale).

Quand l’archéologie préventive fait évoluer notre perception du patrimoine archéologique

La genèse de l’archéologie préventive dévoile en sous-titres l’évolution du regard porté ces dernières années sur le patrimoine archéologique.

Encore affaire d’élites et de « chasseurs de trésors » dans la première moitié du 20e siècle, l’archéologie doit attendre la loi Carcopino de 1941, validée en 1945, pour qu’un certain contrôle de l’État soit institué sur les fouilles archéologiques. Cette loi constitue la première protection spécifique du patrimoine archéologique.

En 1992, la Convention de Malte prend l’entière mesure de la nécessité de préserver le patrimoine archéologique menacé dans toute l’Europe par la mise en œuvre d’importants travaux de construction dans les années 1980. Ratifiée par la France en 1995, elle étend la définition de ce patrimoine aux « biens et autres traces de l’humanité dans le passé (NOTE)». Dès lors, il ne peut et ne doit plus être perçu par le prisme du « bel objet » ou du « trésor ». Non renouvelable, l’objet archéologique doit être étudié dans son contexte car c’est ce dernier qui va lui donner du sens.

Le développement de l’archéologie préventive témoigne de ces nouvelles prises de conscience. L’exhaustivité des vestiges documentés et l’importance des surfaces étudiées ont conduit à la reconnaissance de la valeur scientifique et culturelle de l’incroyable diversité du patrimoine archéologique par la communauté scientifique mais également par le public. Pollens et charbons deviennent par exemple dignes d’étude et de conservation !

En 2016, l’État franchit un nouveau pas grâce à la loi LCAP et reconnaît le patrimoine archéologique comme bien commun. Les vestiges deviennent propriété publique, et le patrimoine archéologique, patrimoine commun de la nation !

Quid de l’archéologie préventive en Morbihan ?

Différents acteurs mènent des opérations d’archéologie préventive dans le département du Morbihan : l’Inrap, des entreprises privées et le service départemental d’archéologie.

Le Département du Morbihan a en effet créé en 2009 un service départemental d’archéologie habilité depuis 2010 à mener trois types d’opérations archéologiques préventives : des sondages, des diagnostics (NOTE) et des fouilles (NOTE) . Les grands projets routiers du département représentent une grande partie des vastes superficies couvertes par les diagnostics, environ 113 ha.

De 2010 à 2019, le service départemental d’archéologie a ainsi mené :

• 41 diagnostics préventifs sur 249 ha ;

• 4 fouilles préventives sur 21 348 m2 ;

• 6 sondages ou évaluations archéologiques sur 3 385 m2.

En étudiant de vastes surfaces à fort potentiel archéologique, les opérations d’archéologie préventive sont de fait propices aux mises au jour d’ensembles insoupçonnés. En Morbihan, quelques découvertes majeures ont ainsi été réalisées récemment.

En 2019, a été mis au jour un hameau de forgerons des périodes mérovingiennes et carolingiennes à Bignan (au lieu-dit Gohvaria) : les archéologues ont retrouvé les restes d’une zone d’artisanat sidérurgique de grande ampleur occupée entre les 7e et 10e siècles. Leurs recherches suggèrent d’ailleurs que les moines de l’abbaye de Locminé, fondée au 7e siècle, pourraient être à l’origine de cette activité.

Les fouilles effectuées en 2012 à Caudan en amont de la ZAC de Lenn Sec’h ont, quant à elles, révélé un village de maisons circulaires datant de 1000 avant notre ère, soit au cours de l’âge du Bronze.

La découverte des alignements de menhirs de Kerdruellan à Belz, volontairement détruits au cours du Néolithique et restés enfouis et inconnus depuis 4500 ans, a permis de renouveler nos connaissances quant aux mégalithes si présents dans le département.

Les traces de la romanisation ont été révélées à Ploemel grâce aux fouilles réalisées à la ZAC de la Gare.

Au-delà des vestiges matériels, ce sont les modes de vie et d’habiter des populations passées, leur gestion du territoire et de ses ressources aux différentes époques, ou encore leur impact sur le paysage environnant qui sont ainsi de mieux en mieux connus. Tous ces vestiges et tout ce qu’ils révèlent de l’histoire du département, tout en participant à l’histoire des sociétés du passé à l’échelle nationale, auront ainsi pu être sauvegardés par leur étude avant de laisser place aux constructions et aux divers aménagements. En documentant, en protégeant et en partageant l’histoire du département, l’archéologie préventive constitue ainsi aujourd’hui un véritable outil de développement du territoire.

Pour aller plus loin 

Fonctionnement de l’archéologie préventive

Genèse de l’archéologie préventive

Archéologie préventive en Morbihan

Note de l'auteur

  1. «Tous les vestiges, biens et autres traces de l'existence de l'humanité dans le passé, dont la sauvegarde et l'étude permettent de retracer le développement de l'histoire de l'humanité et de sa relation avec l'environnement naturel et dont les principaux moyens d'information sont constitués par des fouilles ou des découvertes», définition issue de la Convention de La Valette signée par la France en 1992.
  2. Lorsque des projets d’aménagement sont prévus sur des sites sur lesquels plane une présomption de découverte archéologique, la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) prescrit un diagnostic archéologique. Cette opération permet de mettre en évidence et de caractériser les vestiges par l’étude, le sondage et la prospection. En en appréciant la qualité patrimoniale et scientifique, elle permet de mesurer la nécessité de la fouille et de la conservation de ces traces du passé.
  3. Si ce diagnostic révèle des vestiges significatifs, une fouille est prescrite. Cette opération va permettre l’étude scientifique exhaustive des vestiges avant leur destruction par les travaux d’aménagement. À l’issue de ces opérations, les travaux d’aménagement peuvent être réalisés.
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