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Un été sous le signe archéologique : un menhir à Paris
L’été morbihannais s’inscrit sous le signe de l’archéologie avec l’inscription des mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. L’occasion de relater une anecdote historique autour du grand menhir brisé de Locmariaquer.

Un menhir à Paris, derrière ce titre qui interpelle, se cache un projet un peu fou que l’on doit à un officier militaire bien connu à son époque, le contre-amiral Réveillère. En 1897, l’amiral Réveillère sollicite le directeur de l’exposition universelle, qui doit se dérouler à partir de 1900, et lui propose de transporter le grand menhir brisé de Locmariaquer vers la capitale afin qu’il soit redressé après avoir réassembler ses quatre tronçons.
Le projet d’exposition suscite rapidement débats et controverses en Bretagne et particulièrement dans le Morbihan. René Saib, le directeur de la revue Le Clocher breton, proteste ouvertement et se fait l’écho des positions de diverses personnalités bretonnes publiques telles qu’Anatole Le Braz, célèbre folkloriste breton, ainsi que bon nombre d’autres parmi lesquels plusieurs élus nationaux et départementaux comme le comte Lanjuinais.
En dehors des considérations d’ordre technique et logistique jugées fort onéreuses, c’est bien la protection ou plutôt le manque de protection de ce patrimoine mégalithique qui indigne auquel s’ajoute le mépris supposé des Parisiens.
Morceaux choisis
« Permettez-moi de vous faire remarquer que si les Morbihannais avaient relevé le menhir de Locmariaquer, COMME ILS AURAIENT DÛ LE FAIRE, il ne serait venu à l’idée de personne de la transporter à Paris. »Contre-amiral Reveillère
« Rendre aux alignements dévastés de Carnac leur majesté d’église préhistorique, hélas ! il n’y pouvait songer. Trop de menhirs manqueraient à l’appel ; il faudrait arracher pierre par pierre presque tous les cailloux des routes morbihannaises » Anatole Le Braz
« Qu’irait-il faire à Paris, le fabuleux géant de pierre, le farouche Men-er H’Roeck que la foudre a couché à terre et qui allonge son torse puissant dans les plaines de Locmariaquer, majestueux dans sa défaite comme un guerrier de légende ? (…) Sa mine fruste, son nom sauvage de roi barbare, seraient autant de sujets de risée pour la gouaillerie parisienne » Madeleine Desroseaux
« Je ne crains qu’une chose : les Anglais viendront en foule à l’Exposition. Ces insulaires ont la déplorable manie de gratter les monuments dont ils veulent emporter un souvenir ; à la fin de l’Exposition, il ne resterait plus un centimètre du menhir de Locmariaquer. » Léon Durocher
« Aujourd’hui on peut venir chez nous visiter nos monuments et il ne convient point que nous les laissons enlever, serait-ce pour Paris ; car après avoir été dans l’esprit des donateurs généreux l’image commémorative de nos merveilleuses origines, la belle pierre des Landes, le superbe granit des Locmariaquer, dégénérerait sur la place publique jusqu’à n’être plus qu’une borne. » Jos Parker.
Finalement la sous-commission des monuments mégalithiques rejette assez rapidement le projet à l’unanimité et émet l’idée de concevoir un éventuel moulage du menhir afin de pouvoir l’exposer à Paris, idée qui ne verra jamais le jour.