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Le pont de la Roche-Bernard

Le premier pont de la Roche-Bernard constitue une véritable prouesse technique en ce début du 19e siècle. Jusqu’alors toute construction y était impossible en raison de la vase molle qui empêche l’usage de piliers intermédiaires. Le passage de la Vilaine se fait uniquement par bacs. Ces passages sont périlleux comme le témoigne le naufrage de 1709 où périrent 70 Marzannais.

Dès 1821, le préfet du Morbihan signale qu’un procédé utilisé en Angleterre, le système de ponts suspendus à des chaines de fer, pourrait être utilisé à la Roche-Bernard. Un ingénieur français part étudier l’invention. Malgré la forte insistance des autorités départementales et municipales, le projet reste en suspens pendant 10 ans.

Un passage de Vilaine périlleux

Le député Achille Vigier relance le projet avec une lettre au roi Louis-Philippe dans laquelle il lui rappelle un mauvais souvenir de son propre passage « Votre Majesté se souvient parfaitement des inconvénients de ce passage, et je puis lui affirmer qu’il est aujourd’hui absolument le même qu’à l’époque où elle a passé ».
Une loi du 3 juin 1834 ouvre un crédit de 715 000 francs, qui associée à la subvention de 176 000 francs du conseil général, déclenche le début du chantier. Quatre projets, rédigés entre 1833 et 1834, n’aboutissent pas en raison d’une technique non appropriée. C’est le 5e projet réalisé par Pierre Leblanc qui est retenu. L’adjudication définitive a lieu le 1er juillet 1835.

Les travaux durent 4 ans. La construction bénéficie de la coopération de l’armée aux travaux publics. En effet, les militaires des 7e et 20e régiments de ligne sont mis à disposition par le ministre de la Guerre à l’ingénieur en chef chargé des travaux. Cette coopération est une réussite comme le souligne Pierre Leblanc dans son ouvrage « leur bonne conduite, leur exactitude et leur discipline ont été un exemple salutaire pour les ouvriers civils et ont puissamment contribué au rapide achèvement du pont ».
Ce pont est composé d’une seule travée de 194 mètres, de deux piliers en pierre et de six arcades, d’un tablier en bois de 33 mètres au-dessus des plus hautes marées suspendu par des fils de fer qui supporte deux voies de 4m80 de large et deux trottoirs de 60 centimètres.

 

« Il existe au fond de la Bretagne, dans une contrée peu visitée, un monument gigantesque, dont les piliers téméraires, qui pressent le sol avec un poids de plus de 13 millions de kilogrammes, s’élèvent minces et isolés, à une hauteur qui, à une vingtaine de pieds près, atteint celle des tours de Notre-Dame, et au sommet desquels se balance, harcelé par les tempêtes si fréquentes sur les côtes de l’Océan, un pont suspendu d’environ 200 mètres de portée ».

Telle est la description faite en 1841 par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Pierre Leblanc, constructeur du pont, dans son ouvrage intitulé Description du pont suspendu de la Roche-Bernard.

Le pont de Noël

Le pont est inauguré le 26 décembre 1839. L’ingénieur Pierre Leblanc relate l’évènement : « Monsieur le préfet du Morbihan, accompagné des principales autorités du département, de M. Vigier, député, et de plusieurs ingénieurs des départements voisins, a traversé le pont au son de la musique militaire et des fanfares ; plusieurs discours et pièces de vers ont été lus, les médailles frappées ont été distribuées et la fête a été terminée par un banquet, où l’on a porté la santé du Roi avec d’autant plus de plaisir qu’on s’est rappelé que si un magnifique pont remplace à la Roche-Bernard un bac qui était l’effroi des voyageurs, c’est à sa volonté personnelle, (...). Immédiatement après le passage du cortège, le public a été mis en possession du pont. »

Cet ouvrage d’art obtient rapidement une belle renommée et son inventeur reçoit la légion d’honneur en 1843. Pourtant, le pont suspendu par les fils de fer ne résiste pas longtemps aux tempêtes bretonnes. Une première le détériore en 1852, puis une seconde en 1871. Le tablier est définitivement hors d’usage. Une passerelle provisoire en bois est mise en place en 1872. Elle est utilisée jusqu’à la construction du deuxième pont en 1911.

Malgré ces deux ouvrages d’art, le passage de la Vilaine par la Roche-Bernard est longtemps resté chaotique. Le deuxième pont, miné par les Allemands, saute lors d’un orage en 1944. La passerelle flottante, construite à partir du matériel américain qui a servi pour le débarquement à Arromanches, est utilisée durant 12 ans, le temps qu’un troisième pont soit mis en circulation en 1960. Ce dernier est resté dans les mémoires avec ses interminables embouteillages estivaux pouvant atteindre 20 km. Il a fallu attendre le quatrième pont inauguré en 1996 pour que le passage de la Vilaine se fasse en toute sérénité…

De riches sources documentaires

Les Archives départementales conservent de nombreux dossiers sur le pont de la Roche-Bernard et d’une manière plus générale sur les ouvrages d’arts. Les 19e et 20e siècles, période prolifique pour la construction des ponts, abondent en archives. Les projets, la construction et l’entretien des ouvrages sont évoqués dans les dossiers des Ponts et Chaussées (série S, puis série W après 1940). Récemment les archives des Ponts et chaussées relatifs aux routes et ouvrages d’art ont été mis à disposition en salle de lecture. La presse et les collections iconographiques parachèvent ce corpus documentaire.

Sources consultées :

  • 2 S 1 147-159. - Construction et réparations du pont suspendu de La Roche-Bernard. 1824-1859
  • PB 2848. - Leblanc (Pierre), Description d’un pont suspendu, 1841.
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