Le barrage de Guerlédan a été une des principales attractions touristiques de l’année 2015 en Bretagne en raison d’un évènement rare : la cinquième vidange complète de son histoire. La prochaine devrait avoir lieu en 2045. La plus grande partie du lac est située dans le département des Côtes-d’Armor, mais la rive sud se trouve dans le Morbihan sur la commune de Saint-Aignan. Après avoir servi à alimenter le Morbihan en électricité, le barrage sert actuellement de réserve d’eau potable pour presque toute la moitié ouest du département.
Avant le barrage
Le hameau de Guerlédan situé sur la commune de Saint-Aignan était traversé par le canal du Blavet (portion du canal de Nantes à Brest) qui était la principale voie commerciale intérieure de la région avant l’arrivée du chemin de fer. De nombreuses marchandises du centre-Bretagne étaient acheminées vers Lorient par ce biais. L’écluse n° 119 du canal, l’écluse de Guerlédan, comportait déjà une chute d’eau de quelques mètres et une petite usine hydraulique fut créée par M. Picquet au début du 20e siècle.
Une concession qui fit scandale
Après la première guerre, les besoins d’électrification conduisent à rechercher des sources d’énergie hydraulique. Des usines marémotrices sur la Rance et sur l’Aber Wrac’h sont déjà en projet. La vallée de Guerlédan est bien adaptée en raison de son sol et de sa géographie, mais aussi parce que de nombreuses maisons de la vallée sont déjà en ruines ce qui entraînera de faibles coûts d’expropriation pour les pouvoirs publics.
Le décret de concession à la société générale d’électricité est signé le 30 août 1923 et prévoit que « le concessionnaire sera tenu d’assurer à travers la chute de Guerlédan, à ses frais et sous sa responsabilité le passage des bateaux fréquentant le canal de Nantes à Brest et des marchandises qu’ils transportent ». Il apparaît très vite que le concessionnaire n’a pas les moyens de ses engagements, les salaires des ouvriers sont d’ailleurs si bas qu’il est difficile de les retenir sur le chantier. La concession est très vite attribuée à l’Union hydro-électrique armoricaine créée en janvier 1923, qui est autorisée à achever le barrage et à rétablir la navigation ensuite.
Dès la mise en service d’une partie du barrage en 1930, de nombreuses protestations s’élèvent car les travaux promis ne sont pas effectués et l’administration des Ponts et Chaussées prend parti pour le concessionnaire en expliquant que le coût est trop élevé pour le nombre de bateaux concernés. Ces protestations s’accentuent en 1932 quand le concessionnaire propose alors d’effectuer les travaux en instaurant un péage à bateaux, tout en demandant de vendre son électricité plus chère. Elles émanent surtout des chambres de commerce de Nantes, Angers et Laval, car ces villes commercent beaucoup avec le centre-Bretagne via le canal. Celles de Lorient et de Saint-Brieuc s’émeuvent aussi, parfois en termes virulents, ainsi que les chambres d’Agriculture (car le transport par rail est encore trop cher par rapport au bateau), les conseils municipaux des communes traversées par le Blavet, et bien sûr les syndicats de mariniers.
Des vœux sont émis tous les ans, même à la Libération, mais la prédominance du rail et de la route entraînent finalement le déclassement du canal de Nantes à Brest en 1953, et la fin de la navigation intérieure en Bretagne.
« le concessionnaire sera tenu d’assurer à travers la chute de Guerlédan, à ses frais et sous sa responsabilité le passage des bateaux fréquentant le canal de Nantes à Brest et des marchandises qu’ils transportent »
Un chantier complexe
Les mémoires du pontivien Auguste Leson, tour à tour promoteur, réalisateur, ingénieur puis exploitant du barrage et de l'usine, montrent les nombreuses difficultés du chantier. Les multiples crues et la peine à recruter des ouvriers qualifiés en sont les principales. Quand une première partie du barrage est mise en service en 1930, les ouvertures et fermetures de vannes provoquent des inondations ou des assèchements de toute la vallée du Blavet jusqu’à Hennebont ! La société concessionnaire reconnaît alors ses torts et forme rapidement ses ouvriers à la manipulation des vannes, ce qui règle le problème.
Un site touristique
Après 1953, le lac est surtout un lieu touristique de loisirs et de promenades. Neuf communes s’associent pour créer en 1968 le syndicat intercommunal pour l’aménagement de la rive sud du lac de Guerlédan.
Sources conservés aux Archives du Morbihan :
- série S : les sources sont très nombreuses. Elles concernent la navigation (les Ponts et Chaussées de Pontivy géraient le canal de Châteaulin à Pontivy, ce qui explique que les fonds concernant l’aménagement des cours d’eau se trouvent dans le Morbihan), la règlementation des usines hydrauliques, l’électrification…
- 5 ETP 628 : CCI du Morbihan : canal de Nantes à Brest, 1923-1948
- 199 J : Mémoires d’Auguste Leson