Le barrage d'Arzal

À la suite des inondations catastrophiques de la Vilaine en 1926 et 1936, les départements d‘Ille-et-Vilaine, de Loire-Atlantique et du Morbihan décident de travailler de concert afin de limiter les nuisances des crues. Une conférence interdépartementale chargée d’aménager le bassin de la Vilaine est mise en place. La seconde guerre mondiale vient malheureusement interrompre cette dynamique. Le barrage d’Arzal, plus long ouvrage d’estuaire d’Europe, naît à la fin des années 1960.

Des crues à répétition

Au début des années 1960, la maîtrise des crues de la Vilaine revient au premier plan des préoccupations des élus. Une institution inter-départementale d’aménagement du bassin de la Vilaine voit le jour en 1961. Elle a pour  objectif de répondre à plusieurs défis que pose le fleuve. Il faut d’une part maîtriser les crues de la Vilaine afin d’éviter les inondations, le fleuve ayant un débit très variable au fil de l’année. Ces crues sont amplifiées par le mouvement des marées et des vases qui ralentissent l’évacuation des eaux vers l’océan. Il s’agit d’autre part de limiter l’envasement qui empêche la navigation et de redessiner le lit du fleuve. L’aménagement de la Vilaine doit enfin permettre d’assécher une partie des marais du pays de Redon dans un but de valorisation des terres agricoles. Plusieurs aménagements sont décidés dont le barrage d’Arzal sera l’élément central.

Un barrage construit sur la vase, une véritable prouesse technique

Le chantier de construction du barrage, situé en amont de l’estuaire de la Vilaine - à 8 km de l’embouchure - est inauguré par Raymond Marcellin - président du Conseil général du Morbihan et alors ministre de la santé - en septembre 1965. Le barrage sera composé de plusieurs éléments :
             -    un quai d’accostage ;
             -    une écluse de 13 m de large et 85 m de long ;
             -    une plate-forme de 20 m de large pour l’installation du poste de commande des vannes, de l’écluse et du pont mobile ;
             -    5 pertuis fermés par des vannes de 18 x 9 m sur une longueur de 150 m ;
             -    Une digue d’une longueur de 430 m supportant deux voies de circulation ainsi que 2 ponts-levants de 13 m.
Les travaux débutent par la mise en place d’une enceinte batardée sur la rive nord afin d’y construire deux digues en enrochements - provisoires - réunies par une série de gabions. La vase puis la roche sont extraites de l’intérieur de l’enceinte. On y construit le quai, l’écluse et les cinq vanneaux par lesquels s’écoulera l’eau du fleuve pendant la construction de la digue de fermeture. Deux cordons d’enrochement sont ensuite établis. Ils traversent le lit de la rivière à l’aplomb de la future route. Des pieux sont forés tous les 2,50 mètres et du sable est déversé dans ces pieux afin d’assécher la vase pour la solidifier. Un treillis métallique est disposé sur les pieux et le tout est recouvert d’enrochements et de terre.

Cette technique innovante, recouvrir la vase de roches - la vase atteint par endroit 35 mètres d’épaisseur - afin qu’elle perde son eau et se tasse régulièrement est une première mondiale, testée à la même époque aux États-Unis. Un incident survient malgré tout au mois de décembre 1968. Un tassement trop rapide entraîne l’effondrement d’une partie de la digue. Les conséquences seront heureusement minimes et ne retardent que légèrement la progression des travaux.

L’ouvrage d’art est progressivement mis en service entre 1970 et 1971. Pour la première fois en mars 1971, le barrage contient la marée d’équinoxe, d’un coefficient de 117. Sept ans après le début des travaux, le barrage est inauguré par Raymond Marcellin - toujours président du Conseil général et devenu ministre de l’Intérieur - le 11 octobre 1972, en présence des préfets et des élus locaux des trois départements.

Un difficile équilibre entre développement économique et préservation écologique

L’ouvrage devient le lieu structurant de l’estuaire de la Vilaine autour duquel plusieurs activités s’installent. La route construite sur le barrage relie directement la commune d’Arzal à celle de Camoël épargnant ainsi aux usagers de la route une dizaine de kilomètres qu’ils devaient auparavant parcourir, franchissant la Vilaine à La Roche-Bernard. Les activités se développent autour du barrage avec l’installation d’un port de plaisance, 3e port du Morbihan, d’un camping et d’une zone artisanale. En 1983, un centre de nature, destiné à accueillir des jeunes, est ouvert par l’association des pupilles de l’enseignement public du Morbihan.

Le barrage a permis la constitution d’une grande réserve d’eau douce en son amont. Une centrale de production d’eau potable d’une capacité de 20 millions de m3, située sur la commune de Férel, alimente le pays de Redon, la presqu’île de Guérande et la presqu’île de Rhuys, permettant de développer ainsi le tourisme balnéaire.

Pour autant, la construction du barrage a fragilisé la biodiversité de cet écosystème très précaire qu’est l’estuaire. En aval, les lâchers d’eau douce du barrage font baisser la salinité de l’eau et modifient l’équilibre du milieu aquatique. Le barrage empêche les civelles (alevins d’anguille) de remonter le cours d’eau en amont, limite la diversité des espèces de poissons dans le fleuve et par ricochet, des oiseaux nichant dans les marais. Aussi, pour faciliter la migration des espèces aquatiques, une passe à poisson est greffée sur le barrage en 1995. Elle permet le passage de diverses espèces de poissons migrateurs (saumons, lamproies et surtout civelles).

Le barrage d’Arzal dans les archives départementales du Morbihan

Les archives départementales conservent de nombreux fonds relatifs aux aménagements hydrauliques. Pour la période 1800-1940, les sous-séries 3 S (canaux) et 7 S (service hydraulique) contiennent des dossiers concernant l’aménagement des cours d’eau et la construction des barrages (barrage de Guerlédan notamment). Pour la période postérieure à 1940, les archives départementales conservent des dossiers relatifs à la construction et à l’entretien du barrage d’Arzal (fonds de la préfecture, du conseil général, de la direction départementale de l’équipement et de la direction départementale de l’agriculture). Elles conservent par ailleurs les fonds de la Société d’aménagement touristique du Morbihan (SATMOR), en charge d’aménager les abords du barrage d’Arzal (1374 W). Enfin, le fonds photographique Baranger conserve 11 photographies du barrage prises en 1969 lors de sa construction.

Sources consultées :

  • 1090 W 29. – Conseil général, construction du barrage d’Arzal, 1967-1968
  • 1549 W 160-170. – Direction départementale de l’équipement, construction du barrage d’Arzal, 1959-1969
  • 86 J 3. – Revue de presse des communes du Morbihan, Arzal, [1950-2001]

Un peu de technique

Batardeau : digue ou barrage provisoire, établi en site aquatique pour mettre à sec la base d'une construction que l'on veut réparer ou l'emplacement sur lequel on veut élever un ouvrage.

Gabion : caisse à carcasse métallique que l'on remplit de sable ou de cailloux et servant à protéger les berges d'un cours d'eau ou à constituer une enceinte étanche au cours de la construction d'un aménagement hydraulique.

Chronologie de la construction du barrage

3 mars 1961 : création de l’Institution d’Aménagement du Bassin de la Vilaine à la préfecture de Loire-Atlantique, présidée par Jean du Dresnay, président du Conseil général de Loire-Atlantique

16 septembre 1965 : le début du chantier est inauguré par Raymond Marcellin

Avril 1968 : la construction des vannes et de l’écluse sont terminées : le barrage est mis en eau

11 octobre 1972 : le barrage est inauguré par Raymond Marcellin

21 juin 1974 : réception définitive des travaux

Une conférence interdépartementale ?

Dispositif de la loi du 10 août 1871, elle permet à des Conseils généraux de débattre et s’entendre sur un projet d’intérêt commun. Les décisions de la conférence sont exécutoires qu’après ratification par les conseils généraux, elles s’assimilent alors à des délibérations.

Le Morbihan a employé cette voie à plusieurs reprises. La première fois en 1873, il s’agit de débattre avec les Côtes-du-Nord et l’Ille-et-Vilaine du chemin de fer d’intérêt local dont les lignes au nord et à l’est débordaient du département. En 1880, le Conseil général du Morbihan s’entend avec celui de la Loire-inférieure au sujet de l’école normale de jeunes filles où sont formées des institutrices d’origine morbihannaise avant la création d’une école à Vannes. Le barrage de Guerlédan et le pont de la Laïta ont bénéficié également de conférences interdépartementales.

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