Témoignages de Morbihannais sur des événements ayant bouleversé l’histoire locale, départementale ou nationale. Des témoignages personnels pour une approche sensible de l’histoire.
Paul Le Drévo, ancien combattant en Indochine
Témoignage filmé en partenariat avec l’Office national des Anciens Combattants et de Victimes Civiles du Morbihan.
Depuis 1887 à 1954, la France est à la tête d’un empire colonial en Asie regroupant le Cambodge, le Laos, l’Annam, le Tonkin et la Cochinchine. Cet ensemble forme l’Indochine française.
Le territoire est occupé en septembre 1940 par le Japon qui établit un protectorat sur la colonie française. Le Viêt Minh voit le jour l’année suivante. Mouvement communiste et nationaliste, il s’oppose à la fois aux Japonais et à la présence française dans la région.
Le leader du mouvement Hô Chi Minh proclame l’indépendance de la République démocratique du Viêt Nam le 2 septembre 1945, le jour même de la capitulation japonaise.
Bien qu’affaiblie, la France compte se réinstaller en Indochine. Si elle s’engage à accorder l'autonomie aux différents territoires indochinois, ceux-ci devront rejoindre l'Union française qui a pour objectif de regrouper tous les pays contrôlés par la France. Un accord en ce sens est signé le 6 mars 1946 entre Ho Chi Minh et les représentants du gouvernement français.
Le bombardement de Haîphong par l’armée française le 23 novembre 1946 met finalement un terme à tout dialogue entre les deux forces en présence et marque le début de la guerre d’Indochine.
D’abord guerre d’indépendance opposant nationalistes et métropole coloniale, le conflit prend un aspect international à partir de 1949 en s’inscrivant dans le contexte de guerre froide. La France reçoit l’aide matérielle des États-Unis qui entendent endiguer toute avancée communiste en Asie. Le Viet Minh bénéficie du soutien de la Chine devenue communiste.
La défaite de Dien Bien Phu en mai 1954 et la signature des accords de Genève en juillet de la même année conduisent au départ des troupes françaises. Si le Laos et le Cambodge obtiennent leur indépendance, le Vietnam est scindé en deux le long du 17e parallèle nord.
Le conflit a causé la mort de 500 000 personnes, essentiellement des civils vietnamiens.
Dès 1955, les premières tensions se font jour entre le Sud Vietnam placé sous la protection américaine et le Nord Vietnam communiste.
Monique Danion, une agricultrice engagée
Monique Danion est née en 1948 à Larré. Ses parents y tenaient une petite ferme de 14 hectares. Elle y a vécu avec ses deux frères cadets. En 1962, la famille quitte Larré pour exploiter une ferme de 40 hectares à La Vraie-Croix.
Monique fréquente l’école privée de Larré jusqu’à ses 12 ans, puis entre en pension à l’école des institutrices Sainte-Anne de Conleau pour les premières années de collège. À 14 ans, elle revient travailler à la ferme en soutien à sa mère malade. Pour autant, ne voulant pas renoncer à sa scolarité, elle négocie avec ses parents de continuer ses études au collège de Questembert tout en faisant la traite le matin et le soir.
En 1968, diplômée du baccalauréat, elle débute une carrière d’enseignante à l’école primaire privée de Treffléan, puis au collège privé de Questembert entre 1970 et 1972.
Monique se marie avec Bernard en 1969 et met au monde deux garçons en 1972 et en 1975. Elle opte pour la carrière d’agricultrice renonçant à celle d’enseignante. Elle travaille alors aux côtés de son époux qui exploite une ferme au Bot à La Vraie-Croix de 18 hectares. Elle s’investit de suite dans la vie syndicale agricole et se bat pour faire reconnaître un statut jusque-là inexistant aux femmes agricultrices.
En parallèle de sa vie professionnelle, Monique Danion s’est engagée au service de sa commune en devenant conseillère municipale de 1977 à 1995, puis maire de 1995 à 2020. Elle devient également conseillère régionale de 2004 à 2015.
Les deux époux prennent leur retraite ensemble en 2000. Infatigable, Monique Danion renoue avec les études en suivant sur les bancs de la faculté de Rennes des cours de sociologie. Elle rédige un mémoire sur la sociologie agricole en 2004 alliant ainsi son amour de la vie agricole à son besoin de comprendre et de transmettre.
Anna Le Bail, gardienne de phare
Anna Le Bail est née le 1er juillet 1890 à Hoëdic. En janvier 1855, son grand-père Vincent Le Stang devient le premier gardien du phare de Kernevest (Saint-Philibert). Se succéderont à ce poste, par la suite, l’oncle, le père et la sœur d’Anna Le Bail. En 1925, Marie Le Bail, devenue Mme Le Bourdiec, démissionne pour s’installer avec son époux à Saint-Nazaire. Ayant déjà effectué des remplacements pendant les congés de sa sœur, Anna Le Bail perpétue la tradition familiale et pourvoit le poste. Elle est nommée le 1er novembre 1925.
Pendant quarante ans, elle va consacrer sa vie à ses concitoyens et au phare. Dévouée à sa mission, elle sera décorée de la médaille d’honneur des Travaux publics en 1960 en présence du député Christian Bonnet. L’infatigable Anna est également conseillère municipale (depuis 1944), ostréicultrice et occasionnellement infirmière ou sage-femme.
Aussi à l’aise à vélo qu’en voiture ou sur l’eau, elle l’est tout autant devant un micro. Figure devenue légendaire, qualifiée de « vestale de Kernevest », Anna Le Bail fait en effet l’objet de nombreux articles de presse et de deux reportages télévisés tournés en 1963 et 1964. Dans l’un d’entre eux où elle est interviewée par une femme journaliste, elle dépeint son quotidien et exprime son attachement viscéral au phare. Elle relate à la presse locale les coulisses de ces deux journées de tournage : « Oui, j’ai eu la visite de ces messieurs de la Télévision et d’une dame, tous très gentils. Ils m’ont fait faire un « tas de grimaces », on s’est bien amusé ! D’abord, je leur ai tout expliqué et puis ils m’ont fait monter les escaliers du phare, essuyer les glaces, donner à manger à mes poules que j’appelle avec une clochette. Mais dans tout cela j’avais oublié de poser avec ma cigarette. Des projecteurs éclairaient partout. Ça me chauffait, je n’avais pourtant pas besoin de bronzer…»
Le 18 septembre 1965, elle meurt en poste à l’âge de 75 ans atteignant alors l’âge limite autorisé pour exercer la fonction. Sa nièce demande à l’administration des Ponts et Chaussées la possibilité de reprendre le poste de gardienne de phare. Son vœu ne sera pas exaucé, le phare étant alors automatisé.
En 1966, la commune de Saint-Philibert érige une stèle en son honneur. Le souvenir d’Anna Le Bail est également conservé dans la mémoire du Département avec son dossier de carrière conservé aux Archives départementales du Morbihan.