Fermeture annuelle de la salle de lecture des archives du 15 au 31 décembre 2024.

Voyage de Napoléon III en août 1858

Le 8 août 1858, Napoléon III quitte Cherbourg à bord du navire La Bretagne à destination de Brest. Il est accompagné de l’impératrice Eugénie, du prince impérial et de leur entourage, parmi lesquels les ministres de la Guerre et de la Marine. Ce voyage en Bretagne est motivé par des raisons politiques. La Bretagne n’est pas entièrement acquise à l’empereur. Il s’agit alors pour le régime en place de séduire les Bretons en valorisant notamment  leur religiosité avec comme point d’orgue la visite à Sainte-Anne d’Auray le 15 août. Napoléon III cherche également le soutien des catholiques dans l’objectif d’une confédération italienne dont le Pape deviendrait le président, le tout dans un contexte international tendu avec la Grande Bretagne à qui la France reproche d’abriter des révolutionnaires italiens qui ont attenté à la vie de l’empereur quelques mois plus tôt.

Cinq jours dans le Morbihan

Le 9 août, le cortège impérial débarque à Brest. Napoléon III fait son entrée le 13 août dans le Morbihan, à Guidel, en franchissant un arc de triomphe fait de verdure et de fleurs. Il arrive à Lorient au son des cloches de la ville où le maire, à l’issue de son discours, lui remet les clés de la ville. Le cortège se dirige ensuite vers la préfecture maritime. La porte de l’Arsenal est décorée de canons, d’obusiers et surmontée d’un aigle gigantesque. Les réceptions officielles débutent à 17h, avant un grand dîner donné avec les autorités civiles, militaires et religieuses de la ville.
Le séjour lorientais du couple impérial se poursuit le lendemain. Le matin, l’empereur passe en revue les troupes sur la place d’Armes et distribue des décorations militaires, tandis que l’impératrice se rend dans des salles d’asile et des établissements de bienfaisance. Ils embarquent ensuite à bord du yacht impérial La Reine Hortense à destination de Port-Louis. Dans la rade, plusieurs petits bateaux, décorés, sont venus pour les escorter et les saluer. Tout comme à Lorient, Napoléon III reçoit les clés de la ville des mains du maire. Mais c’est aussi pour lui l’occasion de revenir à la Citadelle où il fut incarcéré, en tant que prisonnier politique, en 1836.
Le 15 août, jour de la saint Napoléon, le cortège impérial quitte Lorient, la ville bretonne où il aura séjourné le plus longtemps. Attendu à Sainte-Anne-d’Auray, Napoléon III fait une halte à Hennebont où il ne préside pas à l’inauguration des haras faute de temps et à Auray où des pêcheurs ont « dressé leurs filets de manière à former une voûte pittoresque ». Une foule de pèlerins et de curieux venue à l’occasion de la grand’messe pontificale de l’Assomption assiste à l’arrivée du couple impérial accueilli par Mgr de La Motte-Vauvert, évêque de Vannes et plusieurs membres du clergé. L’empereur et l’impératrice traversent la cour en procession, s’agenouillent devant l’autel votif et récitent les litanies de sainte Anne. Le 29e régiment de ligne joue les airs religieux de la messe, en alternance avec les chants interprétés par les élèves du petit séminaire. Soixante mille médailles commémoratives sont bénies puis distribuées à la foule.
Le cortège reprend la route en direction de Vannes, où l’empereur se voit remettre, une fois encore, les clés de la ville. Après un arrêt à la cathédrale, il se rend à la préfecture pour assister à une réception officielle avec des personnalités politiques. En soirée, le couple impérial se rend à une fête vénitienne organisée au port en longeant les remparts spécialement illuminés.
Le 16 août au matin, après une remise de décorations dans la cour de la préfecture, le cortège part pour Napoléonville (Pontivy). Des paysans à cheval, parés de leurs plus beaux costumes, et l’escortent. À Colpo, il quitte la route en direction de Korn-er-Hoët, où Élisa-Napoléon Baciocchi, cousine de l’empereur, a fait construire une ferme-modèle. Elle les y reçoit à déjeuner et fait servir un repas à six mille habitants des environs. Le cortège reprend ensuite la route et, après une halte à Locminé, arrive à Napoléonville. La ville présente à l’empereur une parade populaire, puis des danses chantées bretonnes, tandis que se tient une réception à la sous-préfecture. Le lendemain, le séjour impérial dans le Morbihan s’achève. Napoléon III poursuit son périple en direction de Saint-Brieuc. Le 20 août, l’empereur conclut son tour de Bretagne par un discours prononcé à Rennes et diffusé par la suite, en français et en breton.

La liesse des Morbihannais

Napoléon III est le premier souverain à se rendre à Vannes depuis François Ier. Sa venue a été minutieusement préparée en amont. Des travaux sont entrepris pour améliorer des routes, construire ou reconstruire des aqueducs. À l’hôtel de la préfecture, on remédie à l’absence de portraits de l’empereur, de l’impératrice et du prince impérial et plusieurs salles destinées à les accueillir sont décorées. Pour cela, la préfecture fait appel à l’entreprise parisienne d’Alexis Godillot, « décorateur des fêtes de sa majesté l’empereur ». Napoléon III reçoit un accueil chaleureux de la part des Morbihannais, présents en nombre tout au long du parcours. Dans les communes traversées, les cloches sonnent, des arcs de triomphe sont placés à l’entrée et à la sortie des bourgs. Les localités du département envoient une députation de notables brandissant des drapeaux tandis que le cortège est accompagné de paysans à cheval.
La famille impériale repart avec de nombreux cadeaux offerts par les Morbihannais, notamment un chapelet offert par les élèves du petit séminaire de Sainte-Anne-d’Auray au prince impérial, deux poupées bretonnes et un costume breton à Napoléonville. Le troupeau de douze vaches offert par la Ville de Vannes pose le plus de problème de transport. Il est finalement décidé de le faire voyager par voie ferrée, depuis Rennes vers Versailles, sous la surveillance d’un couple sélectionné et obligatoirement marié.

Une sécurité renforcée

Afin d’assurer la sécurité du souverain, le procureur général près la cour impériale de Rennes parcourt quelques semaines auparavant le trajet projeté. Il rapporte au sujet de la portion Auray-Locminé : « c’est le foyer de l’ancienne chouannerie. Il y a là des bras qui pourraient s’armer contre l’empereur. Toute tentative serait prévenue par un déploiement de forces, qui pourrait ne pas plaire à S. M., mais qui pourrait être en partie dissimulé, sans cesser de protéger efficacement. » Ainsi, les différentes brigades du département se relayent le long du parcours, chargés de fouiller les environs et fourrés des secteurs les plus risqués. La circulation est momentanément interrompue dans toutes les localités traversées. Il est recommandé à la population de ne pas jeter de fleurs, de pétitions et tous autres objets dans les véhicules impériaux. La préfecture reçoit plusieurs signalements concernant des individus jugés dangereux, notamment un ancien chouan, nommé Guennec « qui n’a pu encore être arrêté, redoutable par son caractère résolu et féroce, par une grande force physique, marchant toujours armé et, au moyen de la terreur qu’il inspire, obtenant tout ce qui lui est nécessaire. »
Le ministère de l’Intérieur dépêche sur place vingt-cinq de ses agents politiques. L’absence du maire de Landévant, présumé légitimiste, est particulièrement remarquée. En 1858, la Bretagne reste en effet majoritairement légitimiste et est encore peu favorable à l’empereur. Le 15 août, un banquet légitimiste est d’ailleurs organisé au château de Kervily à Elven. Les propos séditieux tenus par des socialistes ou des républicains dans des cabarets sont dénoncés ; la presse locale est également surveillée. Les autorités craignent également la présence de ressortissants italiens.

Les voyages officiels dans les archives

Les archives du cabinet de la préfecture (1 M de 1800 à 1940, W après 1940) sont des sources essentielles de la compréhension de l'activité administrative et politique dans le département. Elles conservent notamment l’ensemble des voyages officiels dans le Morbihan. Sont ainsi classés les dossiers relatifs au voyage de la duchesse d’Angoulême en 1823, à celui de Napoléon III en 1858 et aux voyages présidentiels et ministériels de la IIIe à la Ve République. Ils permettent de découvrir les coulisses des voyages officiels. Menus, plans de table, programme officiels, courriers des élus, coupures de presse, tractations, les services de la préfecture consignent consciencieusement tous les contours du voyage. Les Archives du Morbihan conservent également dans la sous-série 7 Fi quelques reportages photographiques des années 1970 consacrés à ces voyages officiels. La presse locale, numérisée jusqu'en 1944, puis sous format papier, est également une source incontournable de l'actualité politique.

Sources consultées 

  • 1 M Cerem 9-10. - Voyage de l’empereur et de l’impératrice, 1858.
  • M 685. - Mesures de sûreté générale, 1858-1860.
  • CRESSARD (Jacques), Le voyage de Napoléon III en Bretagne, dans Société Archéologique d’Ille-et-Vilaine, 1995, pp 205-248. Archives départementales du Morbihan, IB 84.
  • MADEC (Pierre), Il y a cent ans : le voyage de Napoléon III en Bretagne, 1958. Archives départementales du Morbihan, RB 498.
  • « Visite de Napoléon III à Lorient », dans Les Cahiers du Faouëdic, 1994, pp 34-46. Archives départementales du Morbihan, IB 323.
  • LE DORZE (Jean), «Visite impériale de Napoléon III et Eugénie à Sainte-Anne-d’Auray le 15 août 1858 », dans Le Pèlerin de Sainte-Anne, 1985, pp 28-31. Archives départementales du Morbihan, IB 676.

Ça s’est passé en été dans le Morbihan…

Sécheresse, visites officielles et inaugurations, naissance de lieux emblématiques sans oublier la fréquentation touristique, tous ces faits ont un point en commun : le Morbihan en période estivale.
Tout au long de cet été, on vous propose de revisiter l’histoire du Morbihan en mettant en lumière ces événements grands et petits …

Bel été !
 

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