Le 26 novembre 1989 à 15h, « treize marins d’exception » s’élançaient vers l’inconnu, à bord de monocoques de 18,28 m, pour un tour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance ; une première dans l’histoire de la navigation. Le Vendée Globe Challenge était né.
« La course du siècle », « l’Everest des mers », et même, d’après Denis Horeau, alors directeur de course, « l’une des dernières aventures humaines du 20e siècle » ; les superlatifs ne manquent pas pour décrire cette course au large devenue légendaire.
Le parcours, au départ des Sables d’Olonne, prévoit de laisser l’île de Ténériffe à tribord, l’île de Grande Canarie à bâbord, pour ensuite faire le tour de l’Antarctique et revenir aux Sables d’Olonne en laissant la Cap Horn à tribord. Cette circumnavigation de près de 24 214 milles ou près de 45 000 kilomètres, doit voir les marins les plus chevronnés naviguer sur les trois océans, doubler trois caps (le cap de Bonne-Espérance, le cap Leeuwin et le cap Horn) et affronter les quarantièmes rugissants, les cinquantièmes hurlants ou encore les icebergs des mers du Sud.
De Guidel à Étel, le pays de Lorient au secours de Poupon
Le 28 décembre 1989 à 11h47, le PC course du Vendée Globe Challenge fait part au Crossa (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage Atlantique) basé à Étel de son inquiétude concernant l’un des concurrents : Philippe Poupon. Les dernières positions du bateau montrent, en effet, que celui-ci a brutalement changé de cap et que sa vitesse est passée de 12 à 1,4 nœuds. Le skipper du voilier Fleury Michon se situe alors au large du cap de Bonne Espérance (Afrique du Sud), dans une zone où le vent est de près de 40 nœuds. Dès lors, les procédures de recherche et de secours sont déclenchées. La situation est alors extrêmement préoccupante puisque, comme le précise un télex reçu par le Crossa : « nous ignorons totalement si Philippe Poupon est à bord de son bateau ou non. ».
Quelques heures plus tard, une balise embarquée émet un signal de détresse. Il est alors demandé aux concurrents les plus proches de se dérouter pour porter secours à Philippe Poupon. Ceux-ci ne parviennent pas sur zone avant le lendemain. Entre-temps, un avion doit décoller du Cap pour rejoindre la zone à l’aube afin de faire un point sur la situation. À 9h15, le 29 décembre, un C130 sud-africain, parti en reconnaissance, confirme que Fleury Michon a chaviré, le voilier est couché sur le flanc et le skipper se trouve sur la coque du bateau.
Loïck Peyron est le premier à arriver sur zone à 11h mais en raison des conditions météorologiques, il ne peut établir un visuel avec le bateau en détresse qu’une demi-heure plus tard. Les manœuvres de sauvetage peuvent alors débuter, elles dureront plusieurs heures. Alain Gautier relaie, quant à lui, les informations données par Loïck Peyron, celui-ci ne pouvant les transmettre directement au PC Course. À 16h10, le Fleury Michon est redressé. Les concurrents déroutés reprennent alors leur route pendant que Philippe Poupon regagne le Cap.
La Liberté du Morbihan, dans un article daté du 31 décembre 1989, souligne, que « de l’IESM de Guidel [cette entreprise fabrique et équipe alors les marins du Vendée Globe de balises de détresse Kanad 406 (Sarsat)] au Crossa d’Étel en passant par le navigateur lorientais Alain Gautier, les Morbihannais ont participé au sauvetage de Philippe Poupon ».
Ce sauvetage, hors du commun, passé à la postérité grâce aux images filmées par Loïck Peyron, marqua les esprits et contribua à la naissance de la légende du Vendée Globe. Lors de l’édition suivante, des modifications sont apportées quant à la sécurité des skippers. À la suite de l’avarie de Fleury Michon la stabilité des bateaux à 90° est en effet renforcée. De plus, des points de passages obligatoires sont instaurés et ce, afin de limiter la descente dans le grand Sud et éviter ainsi le risque de collision avec des icebergs.
Le Crossa Étel au cœur de la sécurité du Vendée Globe
Le Crossa Étel a joué un rôle capital dans ce sauvetage en assurant la coordination des secours avec l’ensemble de centres de surveillance maritime par l’intermédiaire des « Maritime Rescue Co-ordination Centers » pouvant être concernés (MRCC). Créé à la fin des années 1960, le Crossa assure également parmi ses missions, le suivi et la surveillance des navires ainsi que les recherches et les sauvetages en mer pour l’ensemble de la façade Atlantique.
Afin d’assurer la sécurité des marins engagés sur le Vendée Globe, «tous les bateaux sont équipés de balise Sarsat et de balise Argos ». Le Crossa est alors « désigné comme organisme français de contact » en charge de recueillir les informations provenant de ces systèmes de positionnement. Chacune des étapes des procédures de sauvetage et de secours est consignée sur des fiches d’opération. Elles permettent de reconstituer le déroulement de quelques-unes des pages de l’histoire du Vendée Globe.
Le fonds du Crossa Étel, conservé aux Archives départementales du Morbihan, est, en cela, une source exceptionnelle. Les documents reflètent à la fois l’organisation du service mais aussi l’activité de celui-ci telles que la surveillance de la navigation maritime dans son ensemble, celle de la pêche ou encore la lutte contre les pollutions marines. Ce fonds est de plus complété par celui du centre de Soulac, dépendant du Cross Étel.
Sources
- 1481 W 447. - Course du Vendée Globe. - Liste des concurrents, liste des navires de pêche autorisés à participer au départ de la course, arrêtés préfectoraux de la préfecture maritime de l'Atlantique, procès-verbal de réunion, dossier d'instruction de course et de presse, photographies, correspondance, fiches d'opération, correspondance, télécopies, liste d'embarquement de passagers sur des navires de l'État, autorisation de survol du préfet de Vendée, correspondance, comptes rendus de sortie de la société nationale de sauvetage en mer, communiqués de presse. 1989-1993 ;
- 1481 W 467. - Assistance au navire Fleury Michon du skipper Philippe Poupon. - Fiches d'opération, articles de presse. 1990 ;
- 1486 W 17. – Revue de presse. 1987-1993.