Les maisons maternelles trouvent leur origine au cours du 19e siècle. Elles permettaient aux femmes isolées et aux « filles-mères », reléguées alors au ban de la société, d’être à l’abri et d’accoucher dans de bonnes conditions. Leur reconnaissance légale arrive plus tardivement avec le décret-loi du 29 juillet 1939 dit Code de la famille qui précise dans son article 98 qu’une maison maternelle doit exister dans chaque département pour accueillir les personnes enceintes d’au moins sept mois et les mères avec leur nouveau-né.
Celle du Morbihan a été créée seize ans plus tôt, en 1923 à Lorient. Elle est détruite par des bombardements de janvier 1943. Le préfet propose, en 1946, une nouvelle maison maternelle départementale au sein de l’hôpital de Josselin. Cette création vise à compenser en quelque sorte le départ du service de chirurgie de Ploërmel hébergé pour cause de bombardement depuis deux ans au centre hospitalier de Josselin.
Dès l’ouverture de l’établissement, les jeunes mères sont accueillies dans un pavillon qui comporte 34 lits, une salle d’accouchement, une salle de change et l’appartement de la sage-femme.
Un rapport sur le fonctionnement de l’établissement en 1948 fait le bilan de la mise en place de la structure « l’état sanitaire des mamans est excellent… l’état sanitaire des enfants s’est grandement amélioré... au point de vue moral l’influence de Mme Le Menach [sage-femme arrivée au cours de cette même année] a été déterminante… puisque nous n’avons enregistré que deux abandons. De façon générale, les résultats obtenus sont donc excellents. On ne rencontre de difficultés qu’à la sortie des mamans : difficultés à trouver des nourrices d’une part, difficultés d’autre part à trouver aux mères des places qui leur conviennent. Après avoir passé plusieurs mois dans des salles bien chauffées, en n’accomplissant qu’un travail réduit, toutes ou presque voudraient être placées dans des maisons bourgeoises : les travaux de la ferme effraient même celles qui en avaient l’habitude. Quel remède apporter à cette situation ? Je pense qu’il faudrait réduire au minimum le séjour à la maison maternelle après l’accouchement, pour que les mères ne prennent pas des habitudes de paresse. »
« l’état sanitaire des mamans est excellent… l’état sanitaire des enfants s’est grandement amélioré...»
Un règlement intérieur est alors mis en place : les pensionnaires doivent travailler à l’entretien de la maison maternelle mais aussi aux travaux de confection de layette, de couture, de tricotage, de repassage…
Cette organisation est critiquée par un visiteur dans un courrier adressé au directeur de l’hôpital « ce qui me parait d’abord regrettable, c’est que toutes les filles soient soumises au même règlement, alors que ce dernier peut être néfaste à certaines d’entre elles. Pourquoi, par exemple, exiger que toutes les chambres soient ouvertes aux regards de tous ceux qui passent dans les couloirs ? Beaucoup de ces filles, il me semble, auraient besoin non pas de surveillance, mais plutôt d’intimité. La maison semble être construite uniquement pour la vie en groupe. Ne serait-il pas bon de favoriser un peu plus la vie personnelle ? Pourquoi, encore, exiger que toutes les filles soient tenues de passer chaque jour en salle d’accouchement ; alors que certaines d’entre elles ne sont pas à leur premier enfant, ou qu’elles ont un tempérament impropre à penser trop longtemps à l’avance et continuellement à ce mauvais moment. Par ailleurs, j’avoue avoir été un peu surpris de voir que la sage-femme n’attendait même pas de bien connaitre chaque cas particulier avant de porter déjà un certain jugement sur l’adoption éventuelle. »
Malgré ces critiques, la commission administrative de l’hôpital de Josselin rappelle en septembre 1949 les avantages d’une maison maternelle en milieu rural à savoir : « [une] plus grande facilité pour les mamans à garder le secret, à effectuer certains travaux manuels, à trouver à leur sortie des nourrices pour les bébés et le cas échéant du travail en ferme…» Ainsi, « Un certain nombre d’abandons ont été évités grâce au séjour des mères à la maison maternelle de Josselin, qui permet d’apporter aux mères : repos, réconfort moral et aide effective pour leur reclassement social et la recherche de nourrices » rapporte le directeur de la direction départementale de la population en 1950.
L’année suivante (1951), le même service départemental annonce : « depuis 1946, la maison maternelle n’a cessé d’être en progression. » 65 entrées en 1948, 86 en 1950, 114 en 1957. Un projet de construction est mis en place et confié à l’architecte Lamourec. Les premiers travaux débutent en mai 1957. La nouvelle maison est inaugurée en octobre 1958, elle compte désormais 48 lits et 24 lits de pouponnière.
En 1965, les pensionnaires sont en grande partie originaires du Morbihan (62, 30 %) ou des Côtes-du-Nord (22, 30%) qui ne possèdent pas de maison maternelle. Elles sont pour 28 % employée de maison et 22 % sans profession. Le reste des pensionnaires se partageant entre les professions d’employée agricole, serveuse, employée de bureau, ouvrière…. À 90 %, elles sont célibataires.
Dans les décennies suivantes, le développement de la contraception ainsi qu’une plus grande tolérance de la société envers celles que l’on désignait comme des « filles-mères » va modifier le profil des futures mamans
En 2015, le centre maternel «La Chrysalide», intégré au centre hospitalier du pays de Ploërmel est une structure collective comportant 10 chambres individuelles pour accueillir des futures mamans et des mamans avec enfants. Le centre maternel leur propose un soutien psychologique, une aide éducative et les accompagne dans un projet de sortie.
Les Archives départementales du Morbihan conservent les dossiers de la maison maternelle de Josselin de 1948 à 1971. On y trouve des carnets d’accouchement, des carnets de naissance, des carnets de consultation des nourrissons ainsi que des carnets individuels de maternité dans lesquels sont mentionnés des informations sur la mère, le suivi de la grossesse et des informations sur l’accouchement. Ces documents sont soumis à un délai de communicabilité de 120 ans.
Peu de naissances sous X dans ces dossiers. Elles demandent une gestion bien particulière avec notamment la déclaration à l’état civil sous deux prénoms et l’absence de toute trace du nom des mères sur les dossiers médico-administratifs : elles sont en général appelées par le prénom auquel on ajoute « secrète ». Toutefois la recherche des origines des personnes nées sous X est possible en faisant appel au conseil national d’accès aux origines personnelles créé par la loi du 22 janvier 2002.
Sources
- X 168. - Maison maternelle de Lorient (1922-1928) ;
- 8 H DEPOT 2/3. - Registre des délibérations de 1937 à 1950 ;
- 8 H DEPOT 2/4. - Registre des délibérations de 1950 à 1965 ;
- 8 H DEPOT 2/14. - Fonctionnement de la maison maternelle 1946-1970 ;
- IB 713. - Rapports des chefs de services départementaux au préfet.